Un besoin de profondeur dans un rap saturé
Alors que le rap moderne est souvent associé à l’efficacité immédiate, aux refrains calibrés pour les plateformes et aux images clinquantes, certains artistes prennent le contrepied de cette tendance. On observe un retour assumé vers une forme d’art plus classique, où la musique, les paroles et l’image sont pensées comme un ensemble cohérent, parfois proche du cinéma ou du spectacle vivant.
Cette approche ne cherche pas forcément le buzz, mais plutôt l’impact émotionnel et la résonance sur le long terme.
BB Jacques : la poésie comme acte politique
BB Jacques incarne parfaitement ce mouvement. Son écriture, dense et introspective, s’inscrit dans une tradition littéraire rarement mise en avant dans le rap grand public. Il ne cherche pas la punchline facile, mais une langue travaillée, poétique et consciente, qui interroge la société, la marginalité et l’identité.
Chez lui, le rap devient presque un espace de réflexion, où chaque mot est pesé. Cette exigence artistique rappelle une époque où le fond primait autant que la forme, et où le rap était aussi un outil de transmission intellectuelle.
Wallace et le retour du clip cinématographique
Avec son dernier clip sur le morceau « Incendie », Wallace illustre une autre facette de ce renouveau : l’importance de l’image comme prolongement du discours. Le clip, très cinématographique, s’éloigne des codes habituels du rap pour proposer une narration visuelle forte, presque contemplative.
Loin de la simple performance face caméra, Wallace utilise le clip comme un court-métrage, renforçant la portée émotionnelle du morceau. Cette démarche rappelle que le rap peut être un art total, mêlant musique, récit et esthétique visuelle.
De nouveaux récits : la France enclavée prend la parole
Autre évolution marquante : l’émergence de récits qui sortent du cadre urbain classique. Si le rap de cité a longtemps dominé les imaginaires, certains artistes racontent aujourd’hui la vie des territoires oubliés : campagnes, villes moyennes, zones enclavées.
Ils parlent de précarité silencieuse, d’isolement social, de bars de province, de vies modestes, loin des projecteurs. Une France pauvre et invisible, rarement représentée, trouve enfin une voix dans le rap.
Ben PLG : chroniqueur du réel et des marges
Ben PLG s’impose comme l’un des visages les plus marquants de cette tendance. Son rap ne glorifie ni la réussite spectaculaire ni la violence, mais le quotidien des gens ordinaires, les désillusions, les petits espoirs et la fatigue sociale.
Son écriture brute et sincère évoque les cafés de village, les routes de province, l’ennui et la débrouille. Un rap profondément humain, qui redonne une place centrale au récit et à l’émotion, loin des clichés habituels du genre.
Ce retour à une forme plus classique et consciente du rap ne signifie pas un rejet des nouvelles tendances, mais plutôt un élargissement des possibles. Le rap français semble entrer dans une phase de maturité, où plusieurs visions cohabitent : l’instantané et le durable, le divertissement et la réflexion, le spectaculaire et l’intime.

























