Le rappeur Freeze Corleone, membre du collectif 667, et dont tout le monde dans le milieu s'accorde à dire qu'il est un des meilleurs de sa génération, est aussi un des artistes les plus controversés de France. C'est notamment dû à son goût pour la provocation, avec des références bien sombres, bien horribles, qui ont clairement pour but de faire réagir, et pour lesquelles il a déjà eu affaire à la justice. Il va devoir retourner s'expliquer devant les tribunaux, puisqu'il sera jugé pour apologie du terrorisme, à Nice, à cause des paroles de son titre "Haaland".
Ce qu'il y a de plus rigolo, c'est que cette fois encore, il va se retrouver devant le tribunal pour des paroles non dites, seulement sous-entendues dans le morceau :
En défense j'suis Kalidou, t'es Lenglet (Ah)
Burberry comme un grand-père anglais (Anglais)
J'arrive dans l'rap comme un camion qui bombarde à fond sur la
Evidemment, aucun doute que la fin de la punchline aurait été "promenade des Anglais", une référence direct à l'attentat qui avait eu lieu à Nice le 14 juillet 2016. On voit bien que tous ces gens qui hurlent pour faire condamner Freeze Corleone n'ont jamais écouté de rap, sinon il sauraient compris ce qu'est l'egotrip, et le goût pour la punchline provocante et marquante. Le rappeur se compare littéralement à un "Mohamed Lahouaiej-Bouhlel dans le rap", en sous-entendant qu'il va tout défoncer sur son passage, tout simplement.
Il ne s'agit évidemment pas d'une glorification d'un acte terroriste bien réel, et qui a fait plusieurs dizaines de morts et de blessés. Evidemment, on comprend aussi un peu les gens qui sont hors de la sphère du rap, sans doute plus habitués à écouter Vianney ou Aznavour, deux très bons artistes dont les textes ne contiennent rien de tout ça. Aux yeux de la justice, un rappeur qui multiplie les références au terrorisme islamique, au IIIème Reich, à des figures du négationnisme, à des théories du complot, ça peut paraître suspect, même si c'est en réalité surtout beaucoup d'egotrip.
Mais il n'y a pas que ça dans les textes de Freeze, très loin de là : des réfs à des rappeurs US parfois méconnus ici, au football (parmi les meilleures refs foot du game), à des scandales politiques qui ont vraiment existé... Et tout ça a un but, surtout, celui de construire un univers, un "lore", bien obscur, autour du rappeur, avec une image effrayante, un peu comme si c'était le Voldemort du rap français, et artistiquement c'est plutôt réussi.
Mais ça devrait se finir comme les fois précédentes, à savoir, par un non lieu devant la justice, ou un classement sans suite, car la liberté d'expression est encore, pour le moment, assez largement garantie dans notre pays, au moins devant les tribunaux. Car face à la meute médiatique, en revanche, c'est une autre histoire... Rendez-vous en février, devant le tribunal de Nice, pour un nouvel épisode de la saga "Freeze vs la justice". Attention, car cette fois, ça risque d'être un peu plus mouvementée, vu que les plaintes émanent directement des victimes de l'attentat de Nice, ce qui pourrait bien faire pencher la balance en sa défaveur...

























