"F.F.O." : l'album le plus sombre de Freeze Corleone et du 667, fête ses dix ans

"F.F.O." : l'album le plus sombre de Freeze Corleone et du 667, fête ses dix ans

Retour sur un des projets les plus confidentiels et les plus sombres de l'histoire du rap français, avec Freeze Corleone, Osirus Jack et Norsacce Berlusconi.

On est en septembre, et qui dit septembre, dit aussi qu'on arrive dans la période de commémoration des attentats les plus médiatisés de l'histoire du monde : ceux du 11 septembre. Un attentat qui nourrit les théories les plus folles chez certains de nos rappeurs français, notamment du côté du 667. Le collectif mis en lumière par le succès de Freeze Corleone a longtemps fait du "conspirationnisme" un de ses thèmes principaux. En 2015, le groupe CFR, issu du 667, sortait "F.F.O.", qui fête ses dix ans, et on a décidé de le décortiquer pour vous.

Le projet le plus complotiste de l'histoire du rap français

Le groupe CFR est composé d'Osirus Jack, de Freeze Corleone et de Norsacce Berlusconi, les 3 membres du 667 avec le plus de lumière. Mais à l'époque, ils étaient loin d'avoir leur statut actuel. Par contre, c'étaient déjà d'excellents rappeurs. Au vu du casting, et même de la pochette de l'album, qui représente les tours jumelles en flammes, vous vous en doutez : l'ambiance s'annonce bien sombre et bien complotiste.

D'autant que le nom du projet, "FFO", pour "False Flag Operation", fait directement référence aux opérations faites par les armées / services secrets sous fausse bannière, dans le but de faire accuser l'ennemi, et bien souvent de provoquer un conflit armé. Et dès le premier morceau (nommé "F.F.O"), le CFR colle directement cette étiquette de "False Flag Operation" aux attentats du 11 septembre, qui ont fourni une belle raison aux USA d'aller attaquer l'Afghanistan, avec le succès (mitigé) qu'on connait.

Le ton est donc donné : le 11 septembre, les loges maçonniques, les sociétés secrètes ("14ème Marche"), Prescott Bush, mais aussi le CFR, d'où le groupe tire son nom, tout le monde en prend pour son grade. Le CFR, c'est le "Council Of Foreign Relations", un think tank américain spécialisé en géopolitique, suspecté de vouloir installer un gouvernement mondial. On ne vous dit pas qu'on valide toutes les théories dont on parle, mais ce qu'on voit ici, c'est la manière dont le trio installe un univers, avec des références obscures, mais aussi une forme d'egotrip, puisque le CFR se vend clairement comme une Secte secrète qui vient pour gouverner le rap français. 

De la trap bien crade

Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils le font de manière hyper cohérente, bien étudiée, on sent que Freeze, Osirus et Norsacce ont baigné dans ces théories toute leur vie, car ce sont des gars d'Internet. Le but de ce projet, c'est de mettre en place une atmosphère flippante, oppressante, et pour ça, rien de mieux que des instrus mi-trap, mi-horrorcore, un peu à la Three 6 Mafia pour ceux qui connaissent. Des instrus qui sont d'ailleurs en majorité produites par Freeze lui-même, à part quelques-unes qui nous viennent de Congo Bill.

Au delà de l'aspect instrus, l'entièreté du projet est "crade", c'est le but. A l'époque, nos 3 rappeurs sont clairement "underground' et rejettent d'ailleurs toute notion de starification liée au rap : "j'suis dans l'complot comme l'ONU, j'vendrai pas mon âme pour être connu", nous kicke Freeze dans "667 Gouvernement". Cet aspect "artisanal", avec des instrus et des mixs dont on a l'impression qu'ils sont faits "à l'arrache", est en fait très réfléchi, car tout ça participe à instaurer une atmosphère autour de cet album, et du 667 en général.

Egotrip max et plumes aiguisées

On a donc dressé un portrait bien sombre, bien complotiste de cet album. Un projet flippant, avec des références obscures, et là encore, c'est voulu : le côté "crypté" de certaines punchlines des rappeurs fait directement référence au côté "secret", "exclusif" qu'ils veulent donner à leur musique. Ainsi, ils entendent fédérer des fans, et en faire des "adeptes" . Tout est réfléchi, tout est calculé et étudié : le 667, c'est la "Masia" du rap français, le meilleur centre de formation (et un des meilleurs morceaux de l'album).

Jusque dans l'egotrip, tout est soigneusement millimétré, et les rappeurs enchaînent les punchlines bien écrites avec maîtrise : "Bitch j'arrive avec ma troupe d'élite, accrochés au train comme à New Delhi, j'veux démarrer dynastie comme les Kennedy Les Rothschild, les Rockefeller ou les Lee". Pour mettre en place une ambiance, dur de faire mieux. C'est visuel, tout le monde a les refs, on voit où il veut en venir.

Au-delà des punchlines sur l'ambition, ce qu'on retrouve le plus, c'est ce sentiment de supériorité par rapport au reste du game. Dans "Masia", donc, mais dans tout le reste du projet, avec cette science du kickage caractéristique du 667 et aussi un rejet de tous les codes du game : "FLRG c'est la mascarade, ils rappent avec du mascara", peut-on entendre sur Abou Faraj. En bref, avec cet album, nos trois membres du 667 se présentent sous leur visage le plus sombre, le plus conspirationniste et le plus arrogant possible, pour annoncer la déferlante qui touchera le rap game de plein fouet quelques années plus tard, avec les gros succès de Freeze notamment. Et à l'heure actuelle, le game ne s'en est toujours pas remis !



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