Boulogne: une école du rap français : on a lu le livre de Nicolas Rogès

Boulogne: une école du rap français : on a lu le livre de Nicolas Rogès
Une vraie tranche d'histoire.

Il écrit et décrit une vraie page d'histoire.

On a coutume de dire qu'il faut rendre à César ce qui appartient à César. Et puisqu'on est dans les références historiques, il faut aussi prendre le livre "Boulogne, une école du rap français" comme un vrai livre d'histoire du rap français. Journaliste et romancier, Nicolas Rogès a enquêté pendant deux ans, interrogeant quasiment tous les acteurs et usant ses baskets dans Boulbi pour arriver à cette somme. Et il a montré une chose essentielle que tout le monde ne sait pas : les Sages Poètes de la Rue sont à la base de l'école de rap boulonnaise. César, finalement, c'est eux. Avec leur exigence, leur talent et leur empathie envers les jeunes artistes, ils ont largement contribué à façonner cette "école du rap français".

A travers des anecdotes et des témoignages forts, Nicolas montre que le groupe composé de Zoxea, Melopheelo et Dany Dan s'est battu pour construire cette école, pierre après pierre sans réellement se soucier de qui allait avoir du succès ou qui allait devenir une star ou qui allait finalement les dépasser. Peu importe. Ce qu'ils voulaient, c'était que leurs "élèves" soient forts et puissants, qu'ils deviennent de véritables rimeurs à gages, qu'ils affûtent suffisamment leurs lames lyricales pour saigner le rap français. Ils les ont aussi dotés d'un arsenal impressionnant car outre l'écriture, ils insistaient sur le flow et la profondeur du propos qu'il fallait aller chercher dans le quotidien et ensuite réussir à le faire passer auprès du plus grand nombre à grand coup de sincérité et d'émotion. C'est ça, l'école de Boulogne.

Et pourtant, si on creuse un peu, on constate que celle-ci n'est pas uniforme, loin de là. Il y a beaucoup de différences pour ne pas dire un gouffre entre les univers de Salif ou de LIM, de Booba et de Kohndo. Leur point commun, c'est Boulogne, la rue, la Cité du Pont-de-Sèvres et surtout la rage : celle qui les a poussés à être les meilleurs. Meilleur que son voisin, meilleur que les Parisiens ou les Marseillais, meilleur que les rappeurs des autres départements. Quand on écoute un rappeur de Boulogne, on doit entendre quelque chose de différent. C'est ça le leitmotiv, l'objectif, l'évidence.

A cet égard et sans rien dévoiler du contenu du bouquin, on citera cette anecdote où Zoxea entraîne des apprentis rappeurs assis en ligne sur un des bancs de la cité du Pont-de-Sèvres. Tout est là : le travail, l'abnégation, la répétition, le travail d'un sportif de haut niveau finalement. En tout cas, tous les ingrédients nécessaires à devenir un artiste dominant. C'est ça Boulogne, la volonté de plier son adversaire, de lui faire mal, de lui donner envie de retourner en studio ou sur son canapé pour retravailler ses rimes, humilié, battu, piétiné.

Aujourd'hui, c'est sans doute un peu moins le cas même si le livre montre que cet esprit perdure et que l'école de Boulogne est toujours vivante à travers de plus jeunes artistes. Mais, force est de constater que cet état d'esprit était surtout le leitmotiv des débuts qui ont imposé Boulogne sur la carte du rap français et qui en ont fait une des places fortes du rap hexagonal. Il était donc logique d'y consacrer un livre et, avouons-le, il est bien fait et très éclairant sur cette période foisonnante de l'histoire du rap français.

Grégory Curot