- PORTRAIT - David Delaplace

Un photographe hors pair.

Quand on est familier avec le monde du rap, le nom de David Delaplace ne nous est pas inconnu. Pourtant, l’artiste qui a pour rôle de mettre en lumière les personnalités du milieu n’est lui-même pas souvent mis sur le devant de la scène. Auteur du livre "Le Visage du Rap" qui a connu un grand succès récemment, David Delaplace a photographié tout le rap français, ou du moins la majorité. Une belle aventure qui lui est tombée dessus, un peu comme un coup de foudre.

UNE RENCONTRE, UNE OPPORTUNITE, UNE PASSION…

"Ça a débuté assez simplement, j’avais un peu de sous de côté, j’ai acheté un appareil photo de très bonne qualité pour faire quelques portraits de mon frère qui commençait à faire du son.  Ces portraits là ont été vus par le manager de Tito Prince, qui est un mec de mon quartier. Du coup, il m’a contacté pour me proposer de faire des photos. C’est à peu près à ce moment-là que Tito Prince avait enregistré des morceaux avec Ol’Kainry, Youssoupha, et tout ça… C’est vraiment de la démerde."

Lancé à la base dans une "voie de garage" comme il nous le confie, rien ou presque ne prédestinait David Delaplace à aller dans cette direction. Entre enchaînement de petits boulots et horaires "à la con", l’homme menait une vie de gars de banlieue banale, bien loin de son quotidien actuel.  

"J’avais fait un peu de vidéo, je filmais les bagarres dans mon quartier, deux, trois trucs comme ça... Des voitures qui crament, les émeutes. Ça n’allait pas vraiment loin. Et après au fil du temps je me suis dit que je pouvais faire quelque chose. Tito Prince c’était quelqu’un, il y avait un petit buzz autour de lui, je me suis dit que ça pouvait être marrant de travailler dans le rap. 

Ensuite, un pote m’a parlé de son cousin M.O de La Comera qui tournait un clip le week-end même. Ils m’ont invité, j’ai pris quelques photos. Après j’ai travaillé avec Juicy P, et puis ça s’est enchaîné. Deux semaines après, j’étais à Skyrock, au Planète Rap de la Sexion D'assaut avec un média, puis à celui de Sinik Il y a des gens que j’avais été voir pour leur dire que je me lançais dans la photo et qui m’avait recalé, deux semaines après ils m’harcelaient !  C’est allé vite parce que j’ai fait de bonnes rencontres et je ne sais pas, les gens m’aiment bien."

La passion du milieu du rap, mais surtout l’envie de s’en sortir et de faire quelque chose de plus exceptionnel, c’est ça qui a motivé avant tout David Delaplace. Comme tout mecs qui arrive de quartiers, qui voient certains de leurs potes devenir des stars grâce à leur art, le rap représente alors une porte de sortie importante.  

"Etre rappeur pour moi c’est l’un des métiers les plus accessibles en vrai. Après faut être bon, talentueux, faut travailler. En faite c’est l’un des plus faciles d’accès, quand on a le talent. Faut charbonner. C’est comme tout."  

CREATION D'UN PROJET : "Le Visage du rap" 

Ce qui l’a vraiment inscrit comme un acteur incontournable du paysage rap, c’est son livre « Le Visage Du rap » paru en octobre dernier. Dedans, on y retrouve des photos de la majorité des artistes qui ont construit le genre au fil des années. Une belle initiative soulignée et soutenue par beaucoup. Le premier à avoir accepté de se faire shooter par l’artiste, c’était Oxmo Puccino. Pourtant, ce dernier n’était pas vraiment au courant de la situation. Un beau coup de poker. 

"Moi je suis un mec du culot. On a qu’une vie, au pire, qu’est-ce qu’il se passe ? Tu me dis non ? Je pense qu’aujourd’hui tout se joue au culot. On est à une aire où il y a beaucoup de photographes, il faut montrer que tu en veux pour que les gens t’apprécient. Dans le case d’Oxmo, quand on en a parlé je lui ai vendu deux trois têtes. Ils n’avaient pas participé au livre mais j’avais déjà travaillé avec eux comme Mac Tyer, Niro… C’est mes gars. Je savais qu’ils allaient assurer en cas d’appel (rires).

Faut faire des trucs, sinon tu ne bouges pas. Tu vas rester chez toi parce que tu as peur… Les mecs qui font des photos pour le PSG, des pochettes pour de gros artistes, tu crois qu’on les a appelés au début ? Non, ils font des propositions."

Si l’on connait David Delaplace pour son travail avec des personnalités connues comme Alonzo, Soprano, Sofiane, Lino ou encore Kery James pour ne pas tous les citer, son travail ne s’arrête pourtant pas à ça, loin de là. 

"Je fais un milliard de trucs, ce qui m’intéresse c’est l’image. Les gens me vendent comme un photographe de rap, à juste titre parce que c’est 80% de mon activité, mais je fais tellement de choses : les photos du musée Grévin, pour plein de marques, de boutiques, des photos de modèles, … Au jour le jour le rap, ce n’est pas ce que je fais le plus. C’est ce sur quoi je communique le plus. Mais j’ai shooté des pianistes, des trucs qui n’ont rien à voir !" 

 

DAVID DELAPLACE? UN HOMME AUTODIDACTE AVANT TOUT 

Une belle ascension, surtout lorsque l’on sait que le photographe s’est entièrement formé tout seul, de A à Z.  Par le biais d’internet, mais surtout en travaillant avec acharnement et en cumulant les expériences, l’artiste s’est forgé entièrement.

"Pour moi, pour devenir bon en photo, il y a trois trucs super importants : être très critique envers son travail, ne pas écouter l’avis des gens, et bosser. C’est tout. Moi j’ai eu ce phénomène là parce que même quand je n’étais pas très bon au début, j’ai vite travaillé avec des gens connus parce que j’ai bossé pour des médias. Aujourd’hui tu balances une photo même claquée de Maître Gims, tout le monde va dire que c’est trop beau.

N’oubliez-pas, les gens qu’on prend en photo, ce n’est pas un gage de qualité. Il faut à chaque fois remettre les choses dans leur contexte. Il y a des gens, j’ai travaillé avec eux de part des médias, mais ils ne me connaissent pas. Ils viennent faire une interview pour un média. Ils ne savent pas qui tu es. Tu vois j’avais shooté Tory Lanez, eh bah il s’en fou de moi. Ça, après, le public ne le voit pas et c’est tout à fait normal. Faut juste regarder la qualité de la photo. Moi je le vois, parfois je travaille avec des rappeurs indés, les photos en termes d’engagement floppent sur Instagram, et pourtant elles sont trois fois mieux que d’autres." 

 

UN ENGAGEMENT PROFOND 

Entre rappeurs indépendants moins exposés au grand public et grosses stars de renoms, David Delaplace ne fait pas de différence, et c’est surement pour cela que son travail est tant apprécié. Réactivité, imagination, flexibilité et talent, voila la recette parfaite pour réussir.

"Parfois je vais arriver sur des trucs où tout est organisé, tout est bien préparé, et tu vas faire ce que tu avais en tête, ça va déboiter parce que tu étais prêt. Des fois, tu vas faire des photos dans le cadre de la presse notamment, cinq minutes avant une interview ; si ça se trouve tu vas faire n’importe quoi.

Par exemple, pour "Le Visage du rap", c’était trop compliqué d’imposer un lieu, une heure, etc… aux artistes. Dans l’organisation c’était une galère, surtout avec les plus connus parce qu’ils sont dans le jus tout le temps. Quand t’as un Sopra qui est en pleine tournée, et qu’il faut arriver à le caler, c’est super chaud. Il faut s’adapter très vite, il y a des photos que j’ai fait en trois minutes. Il faut que tu arrives à faire un truc bien très rapidement. C’est un peu chaud."

 

David Delaplace a fait un véritable carton avec son livre qui continue à se vendre comme des petits pains. Souhaitons-lui que ça continue dans ce sens !