Les plus gros clashs du rap français (épisode 2)

Les plus gros clashs du rap français (épisode 2)

On continue notre exploration des affrontements les plus mythiques de l'histoire du rap français.

On l'a répété suffisamment ces dernières années : le clash et le battle font partie intégrante de la culture hip hop et du rap. A une époque, il était même impossible de vous mettre à rapper sans dire que vous étiez le meilleur. Et si vous êtes le meilleur, forcément, les autres sont moins bons, ça froisse les égos, alors on prend le micro et on se tabasse lyricalement. Ça peut paraître un peu sauvage, mais ça reste un moyen de régler les tensions avec humour.

On a élargi un peu les critères par rapport au volume 1, puisqu'on a déjà fait le tour de la des diss tracks et on va donc inclure les morceaux qui contiennent des punchlines spécialement envoyées à d'autres rappeurs. Avec un paquet de légendes du rap game, mais aussi des noms moins connus, en tout cas, que des gens qui se sont envoyés du sale en musique en respectant l'esprit hip hop, et pas sur les réseaux sociaux comme des clowns.

Jack Brown vs Lord Kossity

On commence par un énorme classique, qui va sans aucun doute parler aux plus anciens d'entre nous et aussi aux plus jeunes qui sont un peu curieux. Au début des années 2000, deux énormes têtes d'affiche de l'époque, Jacky Brown des Neg'Marrons, et Lord Kossity, de l'écurie IV My People, décident de s'affronter pour le fun au départ, lors d'un morceau qui s'appelait "Gladiator", présent sur la légendaire compilation "Première Classe 2".

Les deux rappeurs se rendent coup pour coup, mais visiblement, Lord Ko' prend un peu le seum de voir le public prendre parti pour Jacky. Du coup, il s'énerve, sort un diss track, la situation s'envenime et la suite appartient à l'histoire. Et à la fin, c'est clairement Jacky qui a remporté la bataille, avec son titre "Gladiator 2002" en réponse à Lord Ko, qu'il compare à une drag queen, à un pédophile, et révèle même qu'on l'aurait désapé et mis dans une poubelle pour le mettre à l'amende. Bref, du sale, avec des diss tracks, exactement ce qu'on veut voir dans un clash.

Kizito vs Sinik et Diam's

Celui-là, c'est quasiment impossible que vous soyez passés à côté. Il s'agit d'un des clashs les plus mémorables de l'histoire du rap français, parce qu'il implique deux personnes qui seront les plus gros vendeurs de disques de l'époque, Sinik et Diam's, insultés par un "illustre inconnu". Inconnu dans l'industrie, mais Kizito est un champion du battle rap, récompensé plusieurs fois aux End Of The Weak. Un vrai client, qui commence par se faire plier par Sinik en battle. Du coup, il prépare sa vengeance : un jour où Sinik passe sur Générations, le Kiz' se fait passer pour un auditeur et en profite pour clasher Mals1 à l'antenne.

Evidemment, la réponse de Sinik est violente, elle arrive un an plus tard lors de son passage sur Skyrock. Une réponse très carrée, car on sait que le gars est expert en battle lui aussi, mais ça ne suffira pas à faire taire Kizito. Ce dernier riposte, avec "Dis mon nom", en comparant Sinik et Diam's à Brandon et Brenda, de la série "Beverly Hills", et en sortant deux trois dossiers, un diss track qui va faire mal. Un clash bien enfantin, bête et méchant, divertissant, comme on savait le faire à l'époque.

Youssoupha vs Nessbeal

On enchaîne avec un autre grand classique des clashs dans le rap français : celui qui oppose Youssoupha à Nessbeal, dans les années 2010. A cette époque, Nessbeal était encore au sommet, et il était clairement un porte-parole du rap "street", "hardcore", dont il était fier, au point de rapper dans "Khey" : "aucun vécu, l’inspiration ils vont la chercher à la bibliothèque", à l'attention des rappeurs "conscients" qui étaient un peu vus comme des donneurs de leçon. Evidemment, la pique était en particulier destinée à Médine et Youssoupha, en pleine montée de buzz ) cette époque, et Youss n'a pas hésité à répondre lui aussi par une petite pique, dans "L'effet papillon", un classique."Certains MC lancent des clashs pour s'égayer, mais dans l'freestyle hostile 2006 c'est pas Médine qui bégayait", en faisant référence à un ancien freestyle pour le label Hostile Records pendant lequel NE2S s'était un peu loupé.

 La riposte est tombée rapidement de la part du membre de Dicidens, dans "Certifié classique" : "J'comprends que ta meuf te trompe, t'es aussi cheum que Youssoupha". Une bonne phase de gamin, ça s'attaque au physique, on adore. Et ça ne s'arrête pas là : le lyriciste Bantou a lui aussi répondu, dans "La Foule", en disant que Nessbeal ressemblait à E.T. et que pour vendre des disques il s'était mis à "pomper le style à La Fouine" (on imagine qu'il parlait du titre "A Chaque jour suffit sa peine". Pas de diss track à proprement parler, donc, mais plein de piques bien écrites, envoyées dans de gros morceaux, et aujourd'hui, les deux rappeurs semblent avoir enterré la hache de guerre, en tout cas on leur souhaite, à leur grand âge.

Kamelancien vs La Fouine

On parlait de La Fouine juste avant et ça tombe plutôt bien : c'est son tour d'être cité désormais. Car lui aussi a souvent été plutôt bon dans l'exercice du clash, on en parlait déjà dans l'article précédent sur le même sujet avec "Autopsie vol 5" contre Booba. Laouni n'en était pas à son coup d'essai : en 2005, il a quasiment "éteint une carrière" lors de son clash contre Kamelancien. Un clash qui a été lancé par le rappeur du 94, dans son morceau "Reste Vrai", avec lequel il reprochait plus ou moins à La Fouine d'être un fake muslim, d'en faire trop, d'être un acteur.

Le genre d'attaque qui ne peut pas rester sans réponse. Et la réponse arrive rapidement, avec le morceau "Ferme ta gueule" de La Fouine, qui va rester dans les mémoires comme un des diss tracks les plus violents de l'époque, avec sa vulgarité et aussi grâce à l'instru reprise sur "Real Muthaphuckkin G's" de Eazy-E. La réponse de Kamelancien, avec "Crise Cardiaque", n'aura pas l'effet escompté, et c'est bien Laouni qui va sortir grand gagnant de la confrontation, mais on peut dire que les deux rappeurs se seront vraiment donnés à fond pour le divertissement.

Rohff vs Mafia K1 Fry

On termine par un clash un peu triste, car il implique des entités qu'on respecte tous, pour ce qu'ils ont apporté dans le rap français. D'un côté, Rohff, soldat du 94, avec son côté électron libre et le caractère un peu intransigeant qu'on lui connait. De l'autre, la Mafia K1 Fry, légendaire écurie, collectif tentaculaire apprécié par quasiment tout le monde. Malheureusement, les "liens sacrés" qui semblaient unir toute la grande famille du 94 se sont un peu distendus, en tout cas en ce qui concerne Housni. On ne connait pas les raisons exactes qui font que ces relations se sont détériorées, mais en tout cas, ça a l'air suffisamment grave pour que ROH2F y fasse référence dans "Relation de merde", et quitte le collectif. Des années plus tard, on en apprendra un peu plus sur les raisons, et même si on peut regretter ces choix, on comprend un peu mieux pourquoi Housni a préféré prendre ses distances.