Booba : où classer "Panthéon" dans sa discographie ?

Booba : où classer "Panthéon" dans sa discographie ?

Le deuxième album solo du Duc fête ses 21 ans, et c'est l'occasion de se replonger dans ce projet très marquant.

On le sait, chez les fans de rap on adore les débats, les classements et les tier list. On a pu le voir pendant le confinement (ça ne faisait QUE ça), et même encore aujourd'hui : on kiffe classer les artistes, les albums, les freestyles, un peu tout. Et cette semaine, on fête les 21 ans de l'album "Panthéon", deuxième projet solo de Booba. C'est l'occasion de le réécouter, et surtout de se poser la question : où est-ce qu'on le place dans la discographie de Booba, par rapport à ses autres albums ?

La meilleure intro de l'histoire du rap français ?

Pour cerner un peu mieux le projet, on ne va pas faire dans l'originalité pour une fois : on va commencer par le début. Et le début de cet album "Panthéon", c'est le morceau "Tallac", qui est reconnu quasi-unanimement comme l'intro la plus marquante de toute l'histoire du rap français. Même Lacrim l'a récemment affirmé en interview : la best intro, tout simplement.

Pourtant, niveau intro, on a eu du lourd dans le rap FR, et même en prenant juste les albums de Booba, avec "Mauvais Garçon", "Temps Mort", "Les derniers seront les premiers", "Centurion", tous de sacrés morceaux. Mais "Tallac", avec cette prod de Skread (tout jeune à l'époque), c'est une vraie baffe dans la gueule, dont on peut encore ressortir traumatisé même 20 ans après la sortie?

Un réservoir de très gros titres

Pour aider à classer l'album dans la discographie du Duc, on peut aussi se demander combien de titres marquants il contient. Car si tous les projets de B2O contiennent de gros morceaux qui sont restés dans les esprits (à part peut-être "ULTRA"), au niveau de la densité, du pourcentage de bangers si vous préférez, rares sont les albums au dessus de "Panthéon". A part "Temps Mort", qui est littéralement un no skip (pas un seul mauvais titre, ou même un titre moins bon), peu d'albums de B2O font mieux.

Car avec "N° 10", avec "Mon Son" ou encore avec "Baby", Booba nous montre qu'il est parfaitement capable de produire des titres qui peuvent être diffusés en radio, contrairement à ce que lui avait reproché Laurent Bouneau à l'époque, directeur des programmes de Skyrock, en lui disant qu'il faisait du "rap de village". De l'egotrip, des grosses instrus avec des sonorités qui sortent de l'habituel boom bap new-yorkais, bref, quasiment des tubes, notamment "N°10" avec son instru épique, qui donne un côté très solennel au morceau. 

Mais cette nouvelle aisance à produire des titres diffusables par les radios commerciales ne signifie pas que Booba a fait des compromis sur le contenu ou les textes, qui restent hardcore. Notamment dans "Baby", pas besoin de vous expliquer pourquoi, en feat avec un Nessbeal chaud bouillant. Mais aussi dans "Mon Son", lorsqu'il s'en prend directement à Skyrock dès le début du titre, ou quand il parle du boule de Christina Aron. B20 restera indomptable, il continuera à choquer, il sait que ça fait sa force.

Un album de transition très réussi

Vous l'aurez sûrement remarqué si vous suivez Booba depuis le début : sa carrière a été marquée par plusieurs phases. La phase Lunatic/Temps Mort, avec très peu d'egotrip, et un regard plutôt acéré sur la société, sur des instrus old school, puis la phase "50 Cent/bling bling", puis un retour à quelque chose de plus sombre après la mort de son pote Brams, et enfin, la dernière phase où il cherche clairement à éteindre la concu à chaque sortie, où on sent une vraie agressivité envers le reste du game, en mode 92i contre le monde.

"Panthéon" arrive précisément dans la période de transition entre l'ambiance Lunatic très "Mobb Deepienne", et l'ambiance beaucoup plus gangsta et bling bling qu'on retrouvera dans "Ouest Side" ou "0.9". Un album à mi-chemin entre Prodigy et 50 Cent, en quelques sortes. Les Inrocks écriront d'ailleurs au sujet de l'album, qu'ils jugent comme le meilleur de la carrière du Duc, que pendant que le Booba de "Temps Mort" arrivait dans le rap game en RER (ou en taxi basket, les vrais savent), c'est en Bentley que le Booba de "Panthéon faisait son entrée triomphale, avec une arrogance qu'on ne lui connaissait pas, mais qui lui va bien.

Rarement un album de transition aura été aussi réussi par un rappeur français (par un rappeur tout court, car même aux US, le passage d'une époque à une autre n'a pas toujours été évident). Un album ouvert, avec plusieurs producteurs : finie, l'époque Geraldo/45 Scientific, place à Animalsons, Skread, Kore & Skalp, qui deviendront dans le futur de vraies références pour tous les rappeurs FR. Ce qui donne des prods un peu plus modernes, moins en retard sur les States voire même carrément innovantes.

Le verdict

Pour toutes ces raisons, on hésite à le classer à la troisième ou la quatrième place. Car impossible, si on est honnêtes, de mettre ce disque là devant "Temps Mort", car ils 'agit d'un des meilleurs albums de rap français de tous les temps. Concernant "Nero Nemesis", qu'on met à la deuxième place, là encore la décision est assez facile : il fait partie de ces disques qui ont changé la face du rap FR, et puis juste "92i Veyron" ou "Comme les autres" sont une raison suffisante pour le mettre en 2. 

Il reste donc la bataille entre la 3ème et la 4ème place de la discographie de Booba. Soit "Panthéon" devant "Ouest Side", soit l'inverse. Evidemment, "Ouest Side" a bien mieux réussi au niveau commercial, grâce à des tubes véritables comme "Boulbi", ou "Au bout des rêves", "Pitbull" ou "Garde la Pêche", mais aussi des OVNI classiques comme "Le Duc de Boulogne". Difficile de se décider, mais on pense que, si on ne peut pas mettre les deux disques à égalité, alors "Panthéon" arrive juste derrière "Ouest Side".

Ça se joue à pas grand chose, d'autant que, si les meilleurs titres de "Ouest Side" sont plus impactants  pour nous que ceux de "Panthéon", les titres les moins bons de "Ouest Side" sont vraiment moins bons que le reste, là où "Panthéon" a un niveau beaucoup plus homogène. N'hésitez pas à nous insulter dans les commentaires, ou même à mettre en place un débat constructif, même si ce serait étonnant sur Internet.