Le 11 novembre 2015, SCH dévoilait un projet qui allait lui aussi changer à jamais la face du rap français. Oui, on sait, on vous a déjà dit ça la semaine dernière pour PNL. Mais il faut dire que l'année 2015 aura été remplie de projets marquants et clairement, "A7" en fait partie. La mixtape fête ses 10 ans cette semaine, et c'est le moment de se replonger dans ce classique. Car oui, "A7" est un classique, aucun débat possible là-dessus et on va tenter de vous expliquer pourquoi.
Des instrus incroyables
On va commencer par le plus évident : les instrus de "A7" sont incroyables, quasiment toutes. Variées, bien construites, complètement inhabituelles, elles mettent une tempête à la plupart des projets de rap français sortis à ce moment-là. Pourtant, on peut dire qu'il y avait de la concurrence : Booba nous sort une folie en 2015 avec "Nero Nemesis", Nekfeu sortait "Feu", PNL nous envoyait 2 projets incroyables, Vald était au top de sa forme, Lacrim mettait tout le monde d'accord avec "RIPRO 1", mais c'est bien SCH qui vole la vedette avec sa tape et pour ça, il peut dire merci à Katrina Squad.
Un collectif de beatmakers qui étaient jusqu'ici presque inconnus au bataillon, à part les gros spécialistes chercheurs d'or du rap français. Mais avec "A7", ils vont clairement mettre leur blaze sur la carte. Rarement l'alchimie entre un rappeur, ses textes et ses beatmakers aura été aussi flagrante. Ce sont eux qui s'occupent de toute la première moitié du projet, et c'est banger sur banger : "John Lennon", "Solides", "Rêves de gosses", "Genny & Ciro", et évidemment, "A7" et "Gomorra", deux des prods venues d'ailleurs qui ont marqué tous les esprits. Les bougs étaient capables de sampler des voix d'un chant religieux bulgare pour nous faire l'instru de "A7", de la pure folie.
Pour le reste, on peut surtout dire merci à Kore et Aurélien Mazin, qui s'occupent de toute la deuxième moitié du projet : "Liquide" avec Lacrim, "Pas de Manières" avec Sadek et Lapso Laps, "Drogue Prohibée", "J'reviens de loin", mais surtout "Fusil" et "Champs-Elysées", les deux "tubes" grands public du projet.
Un univers ultra-abouti
On a fait le tour des prods (enfin, façon de parler : on pourrait en parler des heures), mais on va maintenant passer au contenu, et là encore, il y a des choses à dire. "A7" voit le jour dans un contexte spéciale, en 2015, une année très morose en France niveau actualités (le S était d'ailleurs en freestyle chez Générations lors des attentats du 13 novembre), mais avec un contexte culturel bouillonnant (séries, musique,...). On l'a dit plus haut, on peut appeler cette année le deuxième âge d'or du rap français, y a de la créativité partout, et SCH va choquer tout le monde avec son univers sombre, très cinématographique, avec les meilleures références du moment, notamment les réfs à la série "Gomorra" qu'on retrouvera sur tout l'album.
Mais au-delà des refs à "Gomorra", l'univers entier de la mixtape du S est assez fou et novateur. L'egotrip est omniprésent, clairement le S joue les gangsters, mais il joue surtout le mec qui est sûr d'être au-dessus du game. Et il l'est : "j'recherche mes limites, la ge-gor du rap sous mon Gilette", ce n'est pas qu'une image. Après la pression mise avec "Titus", "La Malette", "Massimo" ou "Millions", il confirme son statu d'artiste au-dessus du lot. SCH est là pour tout prendre, par la force s'il faut, il a la dalle comme jamais, on peut l'entendre dès "John Lennon", premier morceau de l'album, dans "Rêves de gosse" ou encore dans "Liquide" ou "Pas de manières".
Trop bien rappé
Là où SCH fait la différence avec la concu, c'est dans sa manière de rapper, de formuler des phrases. Lorsqu'il fait un morceau sur la trahison, thème qu'on retrouve énormément dans le rap FR, avec "Gédéon", il ne rappe pas comme les autres : "quand j'étais dans l'trou tu traînais avec ceux qu'ont tenu les pelles". Ses punchlines frappent comme celles de peu d'autres artistes : "papa m'reniera jamais, j'suis ni flic ni pédé", le sens de la formule est fou. "J'sors tout droit d'l'œil du cyclone, j'pisse dans l'œil du cyclope", on pourrait faire des listes pendant des heures. Même lorsqu'il fait dans l'egotrip, la formulation n'a rien à voir avec la concu, tout est beaucoup plus subtil, suggéré, jusque dans le célèbre "gammos sur les Champs, pas loué".
Le tout, avec un vrai talent pour caler des rimes hors-temps, sans que ça paraisse chiant ou mal fait. Mais sur cet album, au-delà de l'énervement de SCH, de sa rage de vivre, de se battre pour être riche, il y a aussi beaucoup d'émotions, et ça aussi, c'est rare à l'époque, à part quelques rares exceptions. Le S parle beaucoup de ses parents, du temps qui passe et qui le pousse à accumuler les richesses pour mettre tout le monde à l'abri. Il parle aussi, un peu, de rupture amoureuse, de rêves qui se brisent, mais aussi de la dure réalité du monde du dehors, de la vie de rue et de la course à l'oseille qui pousse les gens à être horribles.
Bref, un projet complet, de A à Z, qui ressemble bien plus à un album qu'à une mixtape. Mais c'est aussi pour ça qu'il a tant marché : tout est cohérent, et le disque de diamant n'est pas usurpé pour le projet. On n'a d'ailleurs même pas eu le temps, dans l'article, de parler du côté visuel du S, avec ses cheveux longs, son look de rockstar assumé, ses chicots cassés, ni du fait que c'est Lacrim qui a participé à sa mise en lumière, même si ça s'est mal fini. Tant de choses à dire encore dix ans après cette mixtape, dont on n'arrêtera probablement jamais de parler.

























