Le 12 octobre 2009 sortait un des morceaux qui allait faire le plus de bruit de l'histoire du rap français. Ce morceau, on le doit à Youssoupha. Il ne s'agit pas d'un banger comme on pourrait l'appeler aujourd'hui: si le morceau a fait du bruit, ce n'est pas par son succès commercial, bien qu'il ait grave tourné dans les iPods à l'époque de sa sortie. Si "A force de le dire" a fait parler de lui, c'est pour ses propos, qui ont notamment valu un procès à Youssoupha et la reconnaissance éternelle du milieu.
Une gifle au rap français
Au-delà des des sujets abordés dans "A Force de le dire", c'est un très bon morceau de rap. C'est dans les temps, la prod est assez originale pour l'époque. Mais le format, plus de 5 minutes de kickage sans refrain au milieu, fait que ce titre ne passera que très rarement en radio. Par contre, il va tourner en boucle dans les postes radios, les baladeurs, les iPod, et même en Bluetooth. Car il s'agit d'une véritable leçon de rap, sous une forme très originale, avec ce gimmick du "A force de" à un moment où le rap français tourne un peu en rond, en manque d'idées.
D'ailleurs, le lyriciste bantou n'est pas forcément tendre avec le rap français : notamment ceux qui sucent la tendance du dirty south "par principe", pour rester dans le mouvement, sans véritable DA et sans autre but que juste continuer à faire du biff. Mais la baffe la plus sale sur la joue du rap français, c'est quand Youssoupha rappelle à tout le monde que sa génération a connu le rap français avec Benny B, alors arrêtez de jouer aux caricatures des mecs de quartiers froids, durs et gangsters : soyez authentiques, soyez vous-mêmes.
Un vrai texte politique
La deuxième raison pour laquelle "A Force de le dire" a autant marqué les esprits, c'est pour les propos développés dans le morceau. C'est d'ailleurs curieux d'observer à quel point les "problèmes" soulevés par Youss' sont toujours autant d'actualité, 16 ans plus tard. "Les hommes qui ont les armes combattent souvent les hommes qui ont les idées", l'amalgame constant entre musulmans et terrorisme, la pression policière dans certains quartiers, les idées du FN qui étaient encore omniprésentes (et qui le sont encore aujourd'hui plus que jamais), les skins dans la tribune Boulogne du PSG (à ce niveau là, le ménage semble avoir été fait, au moins en surface).
Bref, Youssoupha brosse un portrait express, mais très précis, de tous les drames qui traversent nos sociétés, sans oublier évidemment la Palestine, ou encore le massacre en cours au Congo, dont il est un des premiers à parler dans le rap français. La marseillaise sifflée, l'élection d'Obama qui ne changera rien (il l'avait déjà compris dès 2009), et même l'humour, avec un parallèle entre les blagues de Michel Leeb et celles de Dieudonné.
Mais évidemment, la phase qui restera le plus dans l'histoire est la suivante : "À force de juger nos gueules les gens le savent Qu'à la télé souvent les chroniqueurs diabolisent les banlieusards Chaque fois qu'ça pète on dit qu'c'est nous J'mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d'Éric Zemmour". Une phrase qui entraînera un long procès très médiatisé, auquel Youssoupha répondra par un nouveau morceau, lui aussi classique, nommé "Menaces de mort", et dont le rappeur finira par sortir vainqueur. Forcément, ça, ça vous fait rentrer dans l'histoire.
Un excellent album
En plus de la justesse du propos, de l'originalité dans la manière de rapper, si "A Force de le dire" a marqué les esprits, c'est parce que c'est le morceau qui commence à faire changer de dimension Youssoupha, et même le rap français dans son ensemble. Car avant ce projet, le rappeur était connu des fanatiques de rap FR, mais très peu présent en radio, et c'est elles qui faisaient la loi à l'époque. Mais son côté littéraire, réfléchi, vont progressivement en faire un vrai rappeur "médiatique", invité à la télévision, et la qualité de ses textes va faire que de nombreuses personnes "réfractaires" au rap vont finir par s'y intéresser. Ou comment devenir "grand public", sans rien renier de son identité artistique.
Mais l'album dont "A Force de le dire" est extrait va lui aussi jouer un gros rôle dans la carrière de Youssoupha. "Sur les chemins du retour" crée le pont parfait entre le Youss' kickeur, réservé aux initiés du rap français, au Youss' presque "mainstream" de "Noir D****", sorti 3 ans plus tard. Avec des morceaux comme "L'Effet Papillon", avec Gims au refrain, ont véritablement cartonné sur Youtube, on sent que le potentiel de l'artiste est immense, et que la qualité de sa plume et les thèmes qui l'abordent peuvent parler à tout le monde.













































