Franck Annese n'est pas qu'un patron de presse talentueux (Society, So Foot, So Film etc...). C'est aussi un fana de musique qui a franchi le pas il y a peu avec la sortie, le 6 octobre prochain, de l'album "Empereurs" avec son groupe EMPRS. Pour ce disque, il a joué de la guitare et du banjo mais il a aussi co-composé la majorité des titres avec son ami Lucas. Mais, ce qui nous a intéressé, c'est qu'avec ses camarades Flo the kid, Ludovic Zuili, Julien Nodot et Lucas Posson, ils ont invité beaucoup de rappeurs dont des figures du mouvement comme The Pharcyde par exemple, mais aussi Buck 65 ou encore Benjamin Epps côté français. Alors, forcément, on a voulu savoir comment ils avaient réussi de telles connexions.
Comment s’est fait le choix des artistes pour cet album ?
Au cas par cas, en fonction des chansons. Pour beaucoup, ce sont des gens dont on admire le travail. The Pharcyde, Buck 65, Mike Ladd, Rocket Mike, Chela, ce sont des gens que j'adore et je voulais leur proposer de participer au projet.
Comment as-tu fait la connexion ?
Je connaissais Chela et Buck 65, donc je leur ai écrit directement et ils ont foncé. Mike Ladd, je le connais aussi, il m'a dit oui tout de suite. Mike, je connaissais surtout ce qu'il avait fait avec Earthling quand il était en Angleterre, j’adorais et j'ai toujours trouvé que ce mec était super talentueux.
Cela a dû être plus difficile pour The Pharcyde ?
C’était un rêve. J'ai trouvé l'adresse mail d'un de leurs anciens managers. Je lui ai écrit en envoyant aussi des démos et le mec m'a répondu qu'il ne s'occupait plus d'eux mais qu'il avait encore le mail de Slimkid et qu'il lui envoyait ma demande. Deux jours après, Slimkid m'appelait pour me dire que deux des démos lui avaient tapé dans l’oreille et qu’il avait envie de faire un truc. On a parlé des thèmes des chansons, de rapatrier Uncle Imani sur le projet etc. Bref, c'était mortel !
Et avec Buck 65 ?
Quand je lui ai envoyé les démos, Buck m'a écrit un mail fou disant que ce qu'on faisait c’était tout ce qu'il avait essayé de faire dans sa carrière sans y arriver et qu'il était évident qu'il allait participer à l'aventure. On était comme des dingues !
Par contre, ça a été compliqué pour Foreign Beggars…
Disons que ça a pris un peu plus de temps… Lucas est fan et nous a dit que ce serait trop bien qu’on les ait. Alors, j’ai contacté le mec mais il a fallu qu’on trouve le bon morceau pour faire le bon truc avec lui. Une fois qu’on a trouvé, ça a super bien collé.
Il y a aussi d’autres invités Checkmait, Stephen White et Ana Griradot…
Checkmait, ça a été différent : on a l'habitude de sampler des voix sur nos démos pour tester si nos trucs de rock indé marchent avec du hip-hop, et là, on trouve l'a cappella de ce mec inconnu au bataillon, ça marche hyper bien sur notre track donc on le contacte et il accroche direct et on fait deux morceaux avec lui. Ana Girardot est une pote de Ludovic, notre bassiste et c'est lui qui a pensé à elle quand on cherchait quelqu'un pour faire un refrain en français et chanter des paroles que j'avais en partie écrites à l'époque où ma petite amie avait filé en Crête… Enfin, Stephen White, c'est un jeune Polonais. Quand on le contacte, il a 16 ans et c'est Eric Karnbauer qui parle de ce môme polonais qui rappe comme Beck dans les années 90… On l’écoute sur Spotify, on adore, on le contacte et il débarque dans la cuisine de Lucas à Paris. Il réveille tout l'immeuble, c'était magnifique !
Comment se sont passées les sessions d’enregistrement ?
À chaque fois le boulot s'est fait différemment : Pavan (Foreign Beggars) a enregistré ses parties en deux fois, à Dubaï et à Londres, on a fait des allers-retours pour bien caler les choses comme on le souhaitait. Buck a tout fait de Toronto. The Pharcyde, ça a été entre Los Angeles et Boston, en plusieurs fois… Chela a fait ça d'Australie. Mike Ladd était à Paris, en une prise, en freestyle. Rocket Mike était à Paris aussi. Ana est venue en studio avec nous, c'était sa première fois derrière un micro pour chanter, elle avait envie qu'on soit là, je crois, pour l'aider. À chaque fois, on faisait écouter les évolutions de la chanson à chaque artiste et ils kiffaient tous, c'était génial !
Enfin, il y a aussi un rappeur français, Benjamin Epps ?
On s'est couru après pendant des mois avant de finalement se retrouver dans un bar près de la Gare de l'Est à Paris. Il a écouté les premiers morceaux qu'on avait faits, notamment ceux avec The Pharcyde, il m'a dit : "Ok c'est du lourd, on se prend une journée de studio, tu viens avec ta guitare et on compose en live". On s'est retrouvé deux semaines plus tard dans un studio du 11e arrondissement à Paris et on a fait deux chansons. La première, j'ai pris la guitare, j'ai joué des trucs et quand il aimait bien un riff, on enregistrait et il improvisait en yaourt en anglais et en deux heures le morceau "Tu peux me haïr maintenant" était fait… L'autre chanson, j'avais enregistré deux jours avant le track dans un studio dans le 18e, c'était une chanson que j'avais composée pour mon autre groupe, 51 Black Super, donc on avait déjà la base et il a posé dessus.
Comment vous avez vécu cette expérience ?
Chaque rencontre a été un kiff, on a revu ensuite les mecs de The Pharcyde à Paris, ils nous avaient invités à leur show. Ils étaient super contents des morceaux mais ils s'attendaient pas à ce qu'on soit aussi chiants et pointilleux, je crois…
Propos recueillis par Grégory Curot