La drill, miroir d'une génération en colère

La drill, dérivé du hip-hop, est un genre musical né d'un sentiment d'injustice.

En lisant le titre vous vous êtes sûrement dit : "mais c’est quoi ça, la drill ?"  Normal, en France on n’en a quasiment jamais entendu parler. En réalité, c’est un dérivé plus violent du hip-hop. Elle a été lancée par des jeunes rappeurs et producteurs originaires des quartiers de South Side à Chicago. Même si aujourd’hui, c’est dans le sud de Londres qu'on la retrouve plus facilement.


La drill est née d’un ras le bol, tout simplement. Les jeunes se sentent délaissés, oubliés, trompés par leur propre pays. La vie est chère, difficile, injuste. À cela se mêlent les guerres de gangs, la violence… Ce mélange explosif conduit à une haine de sa propre société. Les rappeurs ont choisi la musique comme moyen d’exprimer tous ces sentiments négatifs, ils veulent extérioriser tout ce mal-être.

Le genre est spécifique, reconnaissable parmi mille. Prenez un univers sombre, des paroles violentes, un rythme orienté trap, vous y ajoutez des mélodies de piano ou de synthé d’une simplicité rare, et vous mélangez le tout avec des grosses basses 808, vous obtiendrez la drill.


Chief Keef, Lil Durk… Les ambassadeurs de la drill

Comme tous les genres musicaux, la drill a ses têtes, ses leaders. Le numéro un, sans négociation possible, est Chief Keef. Il en est incontestablement l'un des précurseurs. Il a popularisé la drill à travers le monde avec ses titres "I Don't Like", "Love Sosa" et "Hate Bein' Sober".


Lil Durk aussi a implanté et fait connaitre ce sous-genre musical du hip-hop. Il raconte dans ses musiques son quotidien jugé "hors-la-loi" et les conditions de vie dans les quartiers à Chicago avec un taux de criminalité très important. Il a lâché des sons qui ont cartonné comme "500 Homicides".

 

 

L’arrivée en France

En France, la drill commence à arriver, notamment grâce à un homme : Gazo. Il a sorti deux sons aux titres significatifs : "Drill FR" et "Drill FR #2".

 

 

Pour lui la drill est "une musique pour la rue, un moyen de raconter les embrouilles, les vécus de chaque artiste".

D’une découverte à l’origine, ce genre musical est devenu addictif pour lui. Il confesse : "Moi de base c’est des potes à moi qui écoutaient ça. Ça faisait des années. Et je suis tombé en plein dedans. Il y avait même des matins où je ne pouvais pas me lever sans écouter de la drill. Du coup, j’ai voulu essayer. Je me suis dit, c’est la merde aussi ici en France, alors pourquoi ne pas le dire à notre sauce".


Tout comme les rappeurs de Chicago ou de Londres, c’est cette volonté de dénoncer son quotidien qui l'a poussé à se lancer. Il explique : "Je ne peux pas apprendre aux gens que c’est la m***** ici. Je peux tout simplement leur rappeler que ça ne va pas. Et que ça ne s’arrangera pas".

Quand on lui demande si la drill peut marcher en France, la réponse est claire, nette et précise : "Oui. Quand j’ai sorti mon son, ça a beaucoup plu. J’ai eu beaucoup de commentaires des gens du Canada, de Belgique qui ont aimé. Ils ont vraiment envie de voir ce qu'il se passe ici en France".

 

L’art est devenu un exutoire ces derniers temps. On l’a vu avec la sortie du film "Les Misérables" qui dénonce les conditions de vie dans les quartiers. La drill c’est le même principe mais en plus fort parce qu’on mise sur les mots. On se concentre sur ces paroles crues, fortes, familières, vraies. Il ne faut pas stéréotyper ce genre en affirmant que c’est seulement une excuse pour faire preuve de violence. Non. Lil Durk, Lil Reese, Chief Keef ou encore Gazo, parlent avec leur coeur et leurs émotions. La colère est une émotion. La haine est une émotion. Le sentiment d’injustice est une émotion.

Peut-être que la drill arrivera un jour à faire ouvrir les yeux à qui de droit, ne sait-on jamais…

 

Anne-Sophie H.