France 4 diffusera Mardi 10 Mai une émission spéciale Taratata avec une programmation 100% rap français. On pourra retrouver en live un beau panel des artistes qui ont fait l'actualité ces dernières semaines : La Fouine, Oxmo Puccino, Soprano, Sexion d'assaut, AKH et Faf Larage, Sefyu..
Après des années d'absence, le rap français est donc mis à l'honneur le temps d'une émission spéciale. Depuis plusieurs semaines, l'annonce de l'enregistrement de cette émission a bien sûr suscité l'intêret du milieu rap, beaucoup d'artistes ont été contactés et certains auraient même décliné l'invitation (Booba entre autres...).
Cela pourrait ressembler, à première vue, à un grand signe d'ouverture que viendrait d'envoyer Nagui (via sa société Air production) au monde du rap. A grand renfort de communication (teaser, communiqué...), Nagui présente cette émission comme un véritable hommage à ces artistes porte-parole de toute une génération.
Mais ces bien le format "hommage" de cette émission qui provoque également quelques interrogations :
Cette émission spéciale ouvre-t-elle la porte à une réelle ambition de Taratata d'enfin mettre en valeur les cultures urbaines ou bien doit-on comparer cette programmation inédite à une remise d'un "César d'honneur" qu'on attribuerait à un comédien laissé pendant des années sur le banc de touche.
Nagui est sûrement après Michel Drucker l'animateur-producteur le plus influent du service public français et depuis 1993, il programme dans son émission les artistes censés représenter l'actualité de la musique en France. Mais le constat depuis 18 ans reste pauvre : à part IAM et NTM dans les années 90, très peu de rappeurs se sont réellement produits à Taratata, Nagui défendant sytématiquement qu'un seul style de rap, tout aussi respectable, representé par le flow slamé d'Abdel El Malik ou bien le Hip Hop jazz d'Oxmo Puccino.
Alors que Nagui dans le teaser de la speciale Rap de Taratata présente cette musique comme de "la bonne musique", on peut s'interroger sur sa bonne foi surtout lorsque l'on se rappelle qu'il avait refusé la venue de Kery James dans son émission. Kery James répondant dans "le retour du rap francais" : "tu comprends rien à mon rap, t'es sourd comme Nagui" et ajoutant dans une vidéo que :"Nagui n'aime pas ce que je fais, il ne considère pas que c'est de la vrai musique". Le premier fait marquant opposant les rappeurs et Nagui date tout de même de 1995, lorsque Fabe, suite à une moquerie de l'animateur sur les rappeurs, avait quitté le plateau de Taratata en lui signifiant que "le rap ce n'est pas du folklore canadien".
Toutes ces contradictions illustrent tout de même un réel parti pris éditorial en défaveur des musiques urbaines. En rendant un hommage ponctuel à cette musique, Taratata semble vouloir faire oublier ces 18 années de boycott du rap français.
Parralèlement à ce coup médiatique, qui je l'espère sera un succès d'audience comme l'a été le plateau rap du Printemps de Bourges de ce jeudi (cf. Lemonde.fr : Le rap réussit sa reconquète de Bourges), nous devons continuer d'exiger une meilleur representativité des musiques urbaines. Il ne faut pas se suffir d'un énième clash de rappeur contre Zemmour ou bien d'un Taratata nocturne programmant des MCs.
La majorité des artistes urbains en major ou indépendants qui cumulent des scores de ventes historiques doivent trouver écho dans les grandes émissions de variétés et dans les journaux télévisés des grandes chaînes nationales. Pourquoi TF1, qui a été précurseur en 1983 avec l'émission HIP HOP, a abandonné puis ignoré cette culture depuis plus de 25 ans ?
Le retour triomphant et sans chahut du rap dans le grand festival généraliste de Bourges démontre une fois de plus que cette culture ne mérite pas d'hommage, ni de guetto médiatique mais c'est en la mélangeant et en la confrontant à des acteurs qui l'aiment, la comprennent ou au moins la respectent que celle-ci s'exprimera sous son meilleur jour.
Francois Laforestrie ( @francoislaf1 )
