Marsatac : Interview de Mathieu Fonsny, l’un des programmateurs du festival marseillais

Vous saurez tout sur la programmation des festivals. Récit en #hashtag

À l'occasion de la 21ème édition du festival Marsatac sur la terre phocéenne, notre rédaction a rencontré l'un des programmateurs, Mathieu Fonsny. Voici leur histoire commune, en #hashtags. 

“On a une chouette histoire avec Marsatac : le festival existe depuis plus de 20 ans (1999), les gens connaissent son nom.”

#lejobdeprogrammateur

On forme un comité de programmation de quatre personnes pour Marsatac. Notre préoccupation première, avant de choisir et de booker les artistes, c’est surtout de réaliser un ensemble cohérent, de trouver une balance entre des grands, moyens et petits noms; entre du hip-hop et de l’électro; entre des femmes et des hommes et entre des artistes marseillais, français et internationaux.

L’idée est de créer une expérience festival. Ce qui différencie un festival d’un concert, c’est que tu te rends au premier pour voir plusieurs spectacles : on veut que celui qui est venu pour voir Orelsan se retrouve devant Deena Abdelwahed et  soit surpris d'aimer ça !

“La programmation, c’est bien plus que d’appeler et de connaître des artistes : il y a un vrai travail de réflexion, c’est presque de la sociologie.”

#laprisederisque

Par exemple, cette année, Juicy jouera sur la grande scène de Marsatac (la Scène Extérieure). C’est un peu casse-gueule car c’est un groupe émergent, or on a vu le show et on sait que c’est assez punchy, qu’elles ont un capital sympathie qui suffira à ramener du monde. C’est l’ambiance qu’on veut créer quand il est 19 heures, que le soleil commence à se coucher. À ce moment-là, on veut retrouver deux nanas énergiques qui envoient de grosses punchlines et ramènent le public devant la scène.

#lesetapesdelaprogrammation

Ce métier passe par plusieurs étapes : tu commences par identifier ton public : qui est-il, d’où vient-il, est-il jeune, formé d’alternatifs, de quelle classe vient-il, etc. Ensuite, tu dois identifier les atmosphères et ambiances que tu aimerais créer.

#lepublicdemarsatac

On a identifié un public formé de jeunes curieux, mélomanes, un peu connaisseurs et on essaye de les guider vers autre chose que les têtes d’affiche. On voudrait qu’ils découvrent, se perdent et expérimentent des nouvelles choses qu’ils ne pensaient peut-être pas aimer avant. 

#laprogrammationtoutelannee

On commence à sélectionner les artistes dès septembre, voire dès maintenant, mi-juin : certains ont déjà annoncé leur période de tournée pour l’année prochaine et on va devoir se positionner sur l’un ou l’autre avant d’arriver trop tard.
C’est un boulot à l’année : on doit d’abord se sécuriser avec les têtes d’affiche puis s’amuser en essayant d’intégrer des moments pas forcément évidents mais très intéressants. Par exemple, placer Haai (disco, groovy) après Alpha Wann ça paraît dangereux mais beaucoup devraient rester ! Ensuite, il faut défendre ta programmation, c’est ce que je suis en train de faire. Il faut la promouvoir, expliquer tes choix. Enfin, il faut rester en back-up d’une possible annulation, d’un probable retard et remplacement.
Tu es déjà en train de réfléchir à l’édition suivante lorsque tu vis l’édition en cours. Tu te demande ce qui a marché, ce qu’il faudrait changer… Par exemple, de faire quelque chose de moins “turn-up” en début de soirée, quand les gens ne sont pas encore dans le truc ou assez bourrés…

#joindrelesartistes

Pour joindre les artistes, il y a des processus. Ce n’est pas  le plus difficile : c’est de pouvoir les convaincre qui compte. La majorité est représentée par des agents, on leur demande s’ils sont disponibles et motivés avant d’opérer les négociations financières. Il faut les payer au juste prix, essayer d’évaluer ce qu’ils valent sur ton public.

#parlonscash

Combien de billets vendraient-il s’ils devaient jouer devant une salle ? Il n’y a pas vraiment de règle pour ça. Sauf le fait qu’en festival, les artistes sont souvent rémunérés en cachet fixe, tandis qu’en concert, c’est souvent un plus petit cachet, mais avec un intéressement sur la billetterie, ce qui n’est pas faisable en festival face à la multiplicité d’artistes. Au final, tu gagnes mieux en concert généralement.

#coupdecoeur

Je suis hyper content d’avoir Orelsan en tête d’affiche à Marsatac, c’est ce qu’on voulait, au même titre que IAM ou Nekfeu l’année précédente. Les passages des grands artistes vont permettre des moments fédérateurs. IAMDDB c’est aussi quelqu’un que je suis assez fier d’avoir, elle représente plein de choses : l’Angleterre, Manchester, elle est engagée, c'est un vrai personnage. Pareil pour Deena Abdelwahed, tunisienne représentante du mouvement LGBT ! C’est un profil particulier, un parti pris.

#instantlose

Quand on rate des choses, il y a une règle indispensable à assimiler pour ne pas s’arracher les cheveux : une fois que tu perds quelqu’un, que tu reçois une réponse négative contre toute attente, il faut passer directement au dossier suivant. Sinon, tu ne seras pas productif sur le reste. Il a des négociations qui ont été plus difficiles que d’autres. Pas tellement en termes financiers, mais plutôt en termes d’attente.

C’est une partie d’échec : tu dois voir où l’autre place ses pions et arriver à temporiser, à déplacer les tiens au bon moment, sans en griller d’autres. Il faut être malin.

#jourfavori

Je trouve mon compte dans les trois jours. Il y a du hip-hop, certes, mais aussi de l’electro, des musiques du monde, à tout moment.

#commentdevenirprogrammateur

J’ai commencé par faire du journalisme et à monter des soirées, des évènements… pour finir par faire de moins en moins de journalisme et de plus en plus de promotion et de programmation de soirées, de festivals, des Francophonies de Spa (Belgique) en passant par le Festival de Dour. Il n’y a pas vraiment d’études à faire pour ça, il s’agit plutôt de se faire son propre parcours.

La musique m’a leadé depuis le début.

-Propos recueillis par Anaïs Koopman