Discussion ‘'Majsterisée'' avec Despo Rutti

Plutôt que de raconter tout et son contraire sur le rappeur, Generations a rencontré le phénomène rue Manin, entre un double album et une fleur de Lys…

Récemment, Sofiane est passé dans nos studios pour un freestyle. Dans sa verve habituelle Fianso a craché ses mots avec talent. Entre quelques rimes de haut vol, une phase bien sentie : « Je suis bre-som à la Despo Rutts ». Encore une nouvelle dédicace à celui qui a dévoilé cette année son dernier opus, « Majster ».
En effet, Despo Rutti compose avec des big'up de la part que tout ce que le game compte de talents. Niro, Seth Gueko, Lino, Gradur, ils ont tous reconnu l'immense talent du bonhomme. Comment se fait-il, alors, qu'aucun média ne soit allé voir Despo? La question mérite d'être posée. Et devinez quoi, Generations est passée le voir.

 

 


Le rendez-vous est pris au 26 Rue Manin, dans le 19ème arrondissement de Paris, en terrasse du restau cacher Al-Haèche. L'automne n'a pas encore frappé le quartier, les sourires sont là, celui de Despo aussi. Installé en face de son CD, il distribue les signes de la main et les poignées à ceux venus le rencontrer.
La démarche est sincère, on sent un artiste concerné par son œuvre, prêt à prendre de son temps pour discuter. Interpellé par le procédé, je me suis assis. Il m'attendait. Ici pas de mise au point nauséabonde ou de précautions particulières. L'échange s'impose naturellement, l'entretien n'est pas formel, tour à tour on causera donc religion, football et musique, bien évidemment. 

 

Le ton de l'intéressé est posé : « Je suis ici pour que tout le monde passe me voir. Ici, ils viennent acheter le CD, donner de la force et moi, j'explique mon projet ». Comme prévu, « Majster » est accompagné d'une fleur de Lys soigneusement emballée. Comme un roi, le rappeur nous met à l'aise pendant que les klaxons tonnent et les passants le saluent.
Si certains pensent qu'il est fou, la vérité est tout autre. A aucun moment il ne fait preuve d'un quelconque manque de discernement. Lucide, sympathique, il n'a rien de celui qu'on caricature sur les réseaux sociaux. Quand on parle foot, il dégaine les SMS d'Eden Hazard, le félicitant pour ses derniers sons. Comme une jolie passe d'un numéro dix à un autre...

 

 


« Tu vois, cet album ne s'écoute pas comme on écoute un projet actuel. C'est comme il y a vingt ans dans le rap. Il faut lire entre les lignes et savoir l'apprécier sur la durée » explique le rappeur. A ceux qui imaginaient un projet bâclé, il balance des featurings de qualité et des morceaux plus introspectifs et spirituels. Kaaris, Lino, MC Jean Gab'1 et Seth Gueko sont là au rendez-vous.
On peut encore une fois s'étonner de la défiance des médias et d'une partie des internautes envers le gars. On se demande alors, un peu bêtement, si sa kippa ne constitue pas un élément de réponse.  Une hypothèse qui ne tient pas, comme il le dit lui-même : « Il ne peut plus rien m'arriver de grave. Il y a quelques trucs mais, je suis là, dans la rue et ici personne ne vient me faire de mal ». 

 


Au bout d'un petit moment, un homme s'arrête et lui demande ce qu'il porte sur la tête. La discussion s'engage alors, ça parle théologie et judaïsme. Despo, comme dans ses chansons, tape dans le mille. Il faut croire que certains sont intrigués par le fait de croiser un black à la terrasse d'un restau certifié cacher. Toujours honnête, il fait face et ne se cache pas. Il explique sa relation avec la religion avec patience.
À chacun sa spiritualité, à chacun sa vérité. Il a la sienne, point final. Lui enlever serait comme ne pas assaisonner un plat.
Tout sauf fade, ce dernier s'est également fait remarquer par un film, le bien nommé « Je Suis Un Prophète » balancé sur Facebook. Un réseau social qui fait aujourd'hui office de bureau pour lui. 


Une vidéo longue d'une petite heure qu'il décrit comme « le documentaire le moins cher de l'histoire » dans un éclat de rire, prouvant un net second degré, « dedans il y a tout, j'explique l'importance de la fleur de Lys pour mon album, mais je reviens également sur les rappeurs qui m'ont soutenu et les autres ». Maître Gims, La Fouine et Booba s'y font tacler, aucun n'a cependant répondu.
Au moins, on ne pourra pas accuser l'artiste de faire semblant.
 

Les heures tournent, les clients défilent et notre hôte du jour capte qu'il n'y a plus de Shawarma.  Sur la devanture du fameux « Al Haèche » est écrit « Toujours imité jamais égalé ». Un peu comme Despo Rutti ?