La télévision française boycotte-t-elle le rap ?

Si le rap s'affiche comme un élément à part entière de la culture française avec ses tonnes de disques d'or et de platine, sa représentation télévisuelle pose toujours question. Explications...

On peut affirmer sans trop de risques que la France est le deuxième pays du rap après les États-Unis.
Si aux USA, Kanye West peut aisément entrer en campagne pour les présidentielles en plein direct télé, il n'en est rien en France.
Comme nous l'a démontré le récent passage de Rohff dans l'émission "Salut Les Terriens", les chaînes de l'hexagone préfèrent tabler sur les affaires en tout genre sans jamais se concentrer sur la musique en elle-même.
 


Peut-on alors dire que le PAF méprise réellement le Hip-hop ?
Rien n'est moins sûr...


Les rappeurs présentés en bouffons cathodiques.

Les exemples sont nombreux, trop peut-être.
Un homme à capuche, avec une affaire judiciaire comme seule actualité puis un public et des observateurs paumés, acerbes ou carrément à côté de la plaque.
Ici, sur le plateau télé, le rap est réduit à une expression simple pour tous, une musique de sauvageons des quartiers.
Peu de questions sur la rime, sur le travail de l'écriture et encore moins sur le choix des producteurs.
Beaucoup des programmes n'ont également que faire des lives ou des découvertes de nouveaux talents.
Ainsi, les artistes estampillés hip-hop sont souvent les mêmes à la télévision depuis plus de 20 ans ou presque.
Des rappeurs devenus acteurs ou même jurés pour télé-crochets, de Joey Starr jusqu'à La Fouine.
En somme, un rappeur est rarement invité en tant que "rappeur" mais en tant que témoins d'une réalité venue de banlieue.
On le considère comme un bourrin tout en s'enfonçant dans les clichés.
Canal+ égraine par exemple les insultes de Booba dans ses chansons et l'exhorte à reconnaître François Hollande dans un diaporama (on aura connu plus drôle).



France 2 fait même encore mieux avec un de ses programmes phares, "On est pas couché" et ses monologues surréalistes venant de la bouche d'intervenants à l'ouest.
Des critiques d'album placés sous le signe du buzz pour des interviews sans vraiment de sens...



Pire encore quand d'autres font du rap un folklore, comme Nagui juste avant de recevoir Fabe...



Le hip-hop finalement soluble dans le paf ?

Il est néanmoins facile de jeter la pierre sur le petit écran, plafond de verre de pas mal de lyricistes.
Le PAF sait aussi jouer des codes et s'adapter ou recevoir un rappeur comme une personne normale.
Sans a priori, sans stéréotypes et donc sans rancune, la TV d'aujourd'hui s'est également faite avec le rap.
L'exemple type est sans doute Mouloud Achour, un des seuls journalistes estampillés "télé" faisant aujourd'hui corps avec les artistes.
Comme le montre son émission CliqueNiro, Lacrim et Kaaris sont tous passés



On y va pour la promotion de son album, certes, mais sans y être jugé et catégorisé comme un bouffon du roi ou un joker de l'audience.
D'autres privilégient le live comme "Le Grand Journal", au même titre que pour un chanteur de pop ou de quelconque autre style musical.
On a pu y croiser récemment des pointures et des plus jeunes.
Tracks, émission hebdomadaire d'Arte consacrée aux cultures de l'underground avait invité Booba



et bons nombres de MC internationaux comme Snoop Dogg, Nas, Mobb Deep ou encore Jay Z pour des interviews assez pointues.



Au final, à la télé comme dans la restauration, il y a de tout pour se nourrir : du fast-food jusqu'à la bonne table.

Qu'en pensez-vous ?