Les gens ont l'habitude de parler des années 2000 à 2010 comme d'une période noire ou creuse dans le rap français, car après l'explosion du mouvement dans les années 90, les majors sont devenues plus frileuses pour signer des rappeurs, en plus de l'arrivée du téléchargement qui a niqué le game pendant un temps. Pourtant, il s'est passé de très belles choses pendant cette période, avec par exemple le 113 au top, Booba et Rohff au sommet de leur forme, Sniper, Sinik, Diam's, Tandem...
Même dans l'underground, avec des rappeurs comme Seth Gueko dont l'album "La Chevalière" fête son anniversaire ! C'est l'occasion de se replonger dans ce disque qui a permis à Guex' de changer de dimension, avec un succès large, et un titre de "professeur punchline" qui ne le quittera plus après ça.
Wé Wé Wé
On commence par le morceau qui a probablement le plus marqué les esprits de l'album, car il s'agissait du "tube" du disque, en quelques sortes.Mais ce single avait une âme, et on y retrouve bien les éléments qui font l'identité de Seth Gueko à l'époque : une bonne dose d'humour, un sens de la rime très carré, le tout avec un vocabulaire inattendu (normal, l'école Néochrome), et surtout, une célébration de la vie de quartier, même si parfois, c'est un peu le bordel : "perso ça m'dérange pas qu'mon hall sente la bouffe et la pisse".
Plus que le quartier, Seth Guex met le vivre ensemble en avant à sa manière, grâce à ses phases comme "Te tchek du coude car les mains pleines de sauce samouraï J'ai fait mes classes avec des Yazid et des Aboulaye". Mais pas d'angélisme non plus, au quartier c'est la hess, même si "c'est souvent les milles-fa les plus pauvres les plus généreuses", et d'un autre côté, "blanc, noir mon fils sent déjà la séparation dans sa cour". Le tout, avec pas mal d'argot, de verlan, bref, du Seth Guex 100% pur jus !
Le Son des capuches
On a parlé du single de l'album, et maintenant, place au banger. Le mot n'existait même pas encore en France à l'époque où ça sort, pourtant, il se pourrait bien que Seth Guex ait sorti "un banger" avant l'heure, dans la définition première du terme : un morceau qui tape fort, avec une bonne diffusion dans le public, mais qui reste street, contrairement au hit ou au tube. "Le Son Des Capuches", c'est exactement ça, et tous ceux qui ont été ado dans cette période ont probablement fait pas mal de connerie sur ce morceau.
Là encore, on retrouve tout ce qui faisait le succès de Seth : beaucoup d'argot, des rimes folles (toutes les rimes en "ingue" du premier couplet par exemple), mais aussi un autre aspect de son identité qu'on n'a pas mentionné jusqu'ici. On parle évidemment de son admiration pour le gangstérisme, les braqueurs cagoulés, les mafieux dans les films, bref, les gens qui portent leurs couilles pour sortir de cette condition de "prolos" qu'ils refusent. On demandera pardon au seigneur plus tard, en attendant : "À vos glocks, prêts, feu, braquez, Zblexx!".
Bistouflex
On enchaîne avec le son qui est à la fois le plus drôle et le plus fou de l'album. Seth Gueko aimait bien les morceaux à thème et pour cet album, il s'est dépassé avec une chanson sur... la branlette. Oui, vous avez bien lu. Pas surprenant pour ceux qui connaissent le rappeur depuis ses débuts : il adore parler de cul et de porno, comme un bon franchouillard, image qu'il aime bien cultiver. Un morceau mythique, dans lequel il parle à ceux qui se sont intéressés très tôt aux meufs et au cul, mais qui devaient attendre que tout le monde soit couché pour "faire leur bail" parce qu'il n'y avait qu'une seule télé dans l'appart. A la fois drôle et un peu dégueulasse, ce morceau est resté comme l'un des plus cultes de la discographie de Seth Guex, quasiment au même titre que "Patate de Forain".
Dirty Manouche
La deuxième moitié des années 2000, c'est le moment où la France se mange en pleine face la vague Dirty South en provenance des States. Les Chamillionaire, les Paul Wall, les Lil Wayne, mais aussi l'autotune, et encore plus de bling bling. mais alors que tout le monde essaie de savoir comment faire un bon titre qui cartonne en dirty south, Seth Guex décide de n'en avoir rien à foutre. Il n'est pas là pour mettre de la mélodie dans les refrains, vous l'aurez compris, par contre il est parfaitement capable d'avoir un flow encore plus rapide pour coller aux nouvelles instrus "dirty". Le résultat, c'est ce titre tout en egotrip, très rentre-dedans et plutôt réussi, avec là encore pas mal de mots d'argot, venant de différentes langues, bref, tout ce qui faisait e Seth Gueko un rappeur vraiment à part à l'époque.
Tremblement de ter-ter
On avait le choix, pour terminer cette petite sélection, entre "AKA", "La Bande à Pierrot" ou encore "Totino la mafia", trois excellentes titres de Seth Guex, avec du bon story-telling et des textes assez fous. Mais on a finalement choisi un des posse cut les plus légendaires de cette période, un joyeux bordel avec la moitié du rap FR underground invité, notamment une belle partie de l'écurie Néochrome dont Seth faisait partie. On retrouve donc Alkpote, Mister You, Sidi Omar, Six Coups MC, Zesau, Seven, Zekwe Ramos et même... Morsay (ne vous inquiétez pas, il ne rappe pas). Tout ce joli monde réuni pour venir poser son 8 mesures (parfois un peu moins, parfois un peu plus) dans une ambiance plus que suspecte, avec des punchlines plus drôles les unes que les autres, et un Seth Gueko qui a décidé de faire croquer tous ses potos, bref, un morceau qui reflète bien l'époque : bordélique à souhait.