La LDA: une initiative citoyenne à la recherche des mineurs disparus

SK et Elena reçoivent Beor, fondateur de l'association la Ligue des disparus anonymes.

Béor est le président et fondateur de la Ligue des disparus anonymes (LDA). Artiste, producteur et cinéaste, ce père de famille connu dans le milieu Hip-Hop a monté cette initiative citoyenne  afin de rechercher les mineurs qui disparaissent chaque jour en France, suite à l'enlèvement de sa propre fille. Cette association à l'organisation militaire, qui rassemble aujourd'hui de nombreux bénévoles partout en France et en Europe, compte bien aller encore plus loin dans la lutte contre le rapt.

 

 Par ce travail de recherche très poussé, la LDA se substitue aux forces de l'ordre. Comment perçoivent-elles l'association ?

La première année a été très difficile pour nous car c'est à partir de là qu'on a commencé à parler de nous dans la presse. J'ai reçu des menaces de la police par téléphone. Elle m'accusait effectivement de faire obstruction à des enquêtes alors qu'on a retrouvé les enfants. La meilleure, c'est quand des gendarmes m'ont menacé et que lorsqu'on a retrouvé l'enfant, décédé, malheureusement, ils m'ont ensuite appelé pour avoir accès aux preuves qu'on avait nous-mêmes recueillies. C'était magnifique ! J'ai juste raccroché.

Combien de volontaires composent la LDA ?

Actuellement en France nous sommes plus de 900 et plus de 300 en Europe (Espagne, Belgique, Suisse...).  On est plus de 900 en France, plus de 300 en Europe. On recherche exclusivement les mineurs et les adultes atteints d'un handicap, c'est-à-dire, placés sous tutelle. Dans les deux cas, il nous faut impérativement l'autorisation du tuteur légal pour diffuser l'avis de recherche.
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Quels sont les profils des bénévoles ?

Nous sommes une grosse majorité de parents. Il y a aussi d'anciens policiers, d'anciens gendarmes et d'anciens militaires qui ont rejoint le groupe d'intervention. 

Sont-ils étudiés au préalable ?
J'essaye de contrôler au maximum.L'année dernière, nous avons été infiltrés par un pédophile. On l'a finalement démasqué au bout de quelques semaines. Depuis cet épisode, chaque fois que de nouveaux adhérents veulent nous rejoindre, ils sont dispatchés dans des groupes différents pour qu'on ait le temps de les observer.  

Quelle est votre organisation en interne ?

Nous sommes organisés en plusieurs sections: celle de recherche, celle d'investigation, celle de terrain -qui vérifie les pistes-et la brigade d'intervention. Depuis 1 an on a aussi une cellule psychologique avec deux psychologues et un coach. Elle est à disposition des parents et des enfants, selon la demande. Il faut savoir que lorsqu'on retrouve un enfant, la première chose qu'on fait c'est de lui demander pourquoi il a disparu. Parfois ça peut être de la pédophilie par les parents, beaucoup de choses. Nous ne sommes pas un service de livraison, on ne dépose pas automatiquement l'enfant chez ses parents une fois qu'on l'a retrouvé. En fonction de ses réponses et de son profil psychologique, nous prenons les dispositions qu'il faut. Il arrive parfois qu'on ait à signaler le cas auprès des services sociaux. On a par exemple eu le cas d'une disparue qui était battue par son père et d'une autre violée par son père.

Comment trouvez-vous les fonds nécessaires pour mener vos actions ?

La débrouille. On a mis en ligne une cagnotte récemment pour financer notre projet d'application. Je me suis rendu compte que beaucoup de gens étaient de moins en moins sur les réseaux sociaux, c'est trop chronophage. J'ai donc imaginé une application qui puisse vraiment toucher tout le monde. Via cette appli, les gens recevront une notification et pourront partager dans les cercles qu'ils veulent, la famille, les amis... Si quelqu'un pense croiser une personne disparue, il aura la possibilité de déclencher une vidéo en direct. Ça nous permettra de vérifier s'il s'agit bien de cette personne et de recueillir la géolocalisation et l'horaire. C'est très important car aujourd'hui on reçoit même des faux témoignages qui ont pour but de brouiller les pistes. Les réseaux de prositution ou autres vont envoyer de faux témoins pour mentir sur des lieux ou des heures auxquels ils auraient aperçu les victimes, avec l'espoir de nous décourager dans nos recherches. Ils le font en général lorsque nous approchons du but. Heureusement, nous avons des gens partout et pouvons donc envoyer des équipes vérifier sur place.    

Comment expliques-tu cette lenteur et cette inefficacité dans les affaires de disparition de mineurs ?

Il y a déjà une lenteur dans les procédures, pas seulement en matière de disparitions. Ils manquent d'effectifs pour répondre correctement à cette urgence. En France, une personne disparaît toutes les 10 minutes, c'est énorme. Sans compter ceux disparus depuis des années dont on n'a plus aucune nouvelle. C'est pour ça qu'on peut leur accorder un peu ces manquements mais le problème c'est que rien n'est fait pour améliorer ça.

Leur avez-vous proposé de collaborer ?

 On leur a déjà proposé plusieurs fois notre aide. Aujourd'hui, de notre côté, on fait beaucoup plus de prévention. J'ai la chance d'avoir ma propre structure au sein de laquelle on fait de la gestion artistique donc je suis entouré de pas mal de boîtes de production avec lesquelles on fait des stages d'initiation à travers les métiers du cinéma,de la musique et de l'art. Au cours de ces stages je donne toujours aux jeunes des sujets qui les touchent directement que ce soit au quartier ou à l'école. Actuellement, nous travaillons beaucoup sur la prositution en milieu scolaire, car le phénomène est en train d'exploser.  

La LDA intervient-elle  auprès des écoles ?

Oui. Beaucoup moins qu'avant à cause du Covid mais dans les quartiers on est toujours présents. Je fais partie de la H2T Académie, une structure dédiée au foot, et on intervient également auprès de ces jeunes-là. On est quasiment partout, puisque je suis impliqué dans pas mal d'initiatives. Avant, j'étais un mec de l'ombre, je n'étais pas dans le délire de me mettre en avant. Le jour où on a commencé à parler de la LDA dans les journaux, on n'a pas voulu vivre la même chose que SOS Racisme et tous ces mouvements. On ne voulait pas de récupération donc ma femme a insisté pour que je me montre plus.  

Toutes les affaires de disparition sont-elles traitées de la même façon ?

Pas du tout. Il y a deux poids deux mesures sur le sujet. Dans la police, il y a une section spéciale dédiée aux personnalités. Si tu es un notable, les grosses brigades parisiennes récupéreront directement  le dossier et se déplaceront chez toi, ce ne sera pas traité par le commissariat du coin.  

Y a-t-il du racisme dans le traitement de ces cas ? 

Oui. On a remarqué que les jeunes issus de l'immigration, Noirs en particuliers, sont les avis de recherche les moins relayés. Je suis obligé de faire attention à choisir la photo la plus avantageuse pour maximiser les chances. C'est incroyable.

 Dans les films on parle d'un délai de 48h maximum pour retrouver un enfant disparu en vie. Est-ce que c'est vrai ?

 Il n'y a pas vraiment de délai. Chaque minute compte et chaque disparition est importante, qu'il s'agisse d'une fugue, d'un enlèvement ou autre, il est très important de faire une recherche. Il ne faut jamais baisser les bras, même au bout de 48h ou 72h.  Aux Etats-Unis c'est autre chose. C'est le pays dans lequel il y a le plus de serial killer, le contexte est différent. On a aussi remarqué, en faisant quelques recherches, que le retard de 10 ans qu'on a avec les Etats-Unis par rapport à beaucoup de choses se retrouve également dans ce domaine.  

Y a-t-il une disparition qui vous ait marquée plus que les autres ?

Dans l'affaire qui nous a particulièrement choquée, le dernier endroit où la victime avait été aperçue était un McDo à Nanterre. Les enregistrements des caméras de surveillance n'étant disponibles que quelques semaines avant d'être détruits, parce que la police a mis 3 mois avant de s'y rendre, on a perdu cet élément précieux. On n'a perdu cette piste.

Le phénomène a-t-il régressé durant le confinement ?
Ça n'a pas du tout diminué. C'est plutôt resté sur sa lancée. Pendant le confinement, il y a eu beaucoup plus de fugues dues à l'augmentation des violences conjugales et domestiques;ce qui nous rendait la tâche plus difficile dans le cadre de nos recherches. On a dû prendre plus de risques par rapport aux contrôles mais, quand on est dans l'urgence de sauver un enfant, on ne réfléchit pas trop, on y va.

N'est-il pas dangereux pour des citoyens lambda de procéder à des interventions ?

Mon portrait a été signalé sur de nombreux sites pédophiles pour lesquels je représente une menace. Il y a 4 ans, j'ai fait un film sur l'endoctrinement ("Djihad"), qui a été plusieurs fois supprimé, piraté, reposté. Pour ça, j'ai eu mon profil diffusé dans des réseaux d'extrême droite.  Récemment, notre site internet a été piraté ainsi que notre page Facebook qui n'existe plus. Je suis obligé de changer régulièrement les codes d'accès.      
Aujourd'hui, si on est aussi forts c'est parce que rien ne fuite. La seule personne qui parle au nom de la LDA, c'est moi et mes groupes en interne ne se connaissent pas entre eux. Personne ne sait qui sont les membres du groupe d'intervention, en cas de problème, il n'y a donc pas de problème, ce sont des bénévoles, point. 

 Etes-vous crédibles sur le terrain ?
Sur le terrain, on ne se positionne pas en tant qu'association mais en tant que groupe d'intervention. Quand j'appelle le reste de l'équipe pour aller récupérer un mineur dans les griffes d'un réseau de prostitution, ce ne sont pas des enfnats de choeur qui sont avec moi. On ne frappe pas à la porte en disant: "Excusez-nous, on est la LDA..." On a la chance d'avoir des anciens des forces de l'ordre et j'ai moi-même une formation militaire. Nous faisons régulièrement des entraînements.

Les réseaux pédo-criminels, ça existe vraiment ? 

Ça existe de dingue même j'te dirais ! On fait face à deux gros fléaux: aujourd'hui le proxénétisme touche des personnes de plus en plus jeunes et des victimes de plus en plus jeunes. Les victimes viennent de partout; de Paris et encore plus de province. Dans le dernier réseau qu'on a démantelé, le plus jeune avait 16 ans et le plus âgé 21. Ils draguent des filles sur internet, ils sortent avec elles, couchent avec elles et prennent des vidéos et des photos à leur insu pour les faire chanter ensuite. Parfois ils les violent à plusieurs, ils les droguent, leur confisquent leurs papiers et menacent de s'en prendre à leurs proches. On avait retrouvé une fille par hasard, grâce à une de nos bénévoles qui est juste géniale. Elle avait 12 ans et demi, 13 ans. Elle a été séquestrée pendant deux mois, dans une cave et violée par de nombreux pédophiles. Son kidnappeur faisait payer d'autres agresseurs qui pouvaient lui passer dessus. Quand on a retrouvé la petite, elle était en miettes. Il s'agissait d'un réseau parce que grâce à ça on a pu retrouver une vingtaine de pédophiles. C'était un coup de filet, sur un coup de poker car c'est vraiment le bon Dieu qui nous a dit "frappez à cette maison-là".  

Les réseaux sociaux sont-ils un allié ou un ennemi dans les questions de disparitions de mineurs ?

Les deux. Ca participe aux enlèvements parce que c'est par ce biais que les prédateurs approchent leurs futures victimes. En ce moment, il faut faire très attention à tout ce qui est PSN. C'est un réseau social qui est programmé dans les consoles de jeux vidéo en ligne. Il faut être hyper vigilant parce que quand tu vois un enfant parler dans son casque, tu es sûr qu'il le fait avec un autre jeune alors que ce n'est pas toujours le cas. Ce réseau a été pris d'assaut par les pédophiles qui se font passer pour des mineurs. De l'autre côté, les réseaux sociaux sont un bon allié pour tout ce qui est relais d'avis de disparition. Avec tous ceux que l'on couvre on atteint environ 1 ou 2 millions de personnes, ces partages de masse peuvent avoir un effet dissuasif tant sur les kidnappeurs que sur les jeunes qui fuguent. En se sachant recherchés, ils ont la pression et commettent plus d'erreurs, ainsi on peut les repérer plus facilement.

Avez-vous été confrontés à des jeunes qui partent faire le djihad ?
On a eu le cas d'une jeune fille qu'on avait retrouvée à Liège, en Belgique. Elle était en train de partir pour la Syrie. C'était juste avant le confinement, le même jour où l'on retrouvait la petite dans la cave.

 A partir de quand l'association ne peut-elle plus agir ?
Il n'y a pas de limite. Nous avons une toile bien développée avec des contacts un peu partout. A aucun moment je ne me dis qu'on est arrivés au bout.

 Tu connais beaucoup de monde dans le milieu de la musique. Quelle est l'implication des artistes dans ces affaires ?
Ils relaient. Je suis dans la musique depuis 18 ans à peu près et dans le cinéma depuis 10 ans, j'ai un peu roulé ma bosse donc j'en connais beaucoup personnellement. Par exemple, Stomy Bugsy est très investi. Récemment, on voulait tourner ensemble une vidéo pour communiquer sur ce phénomène de disparitions de mineurs. Kery James aussi, Ali des 45 Scientifiques. La première qui a tout de suite partagé c'est Diams. Je la côtoie depuis longtemps. A une période de ma vie, j'ai été gestionnaire de patrimoine et je l'avais reçue. J'ai le projet de faire un morceau spécial dédié à la LDA et on imaginait ce que ça pourrait donner si Mélanie la faisait. ça me ferait extrêmement plaisir.

Quelle est l'actualité de l'asso ?

Récemment, on a eu l'opportunité de signer avec une boîte de production grâce à Victoire Dabeauville, qui m'a contacté l'année dernière. J'ai reçu pas mal de propositions mais elle, avait ce qui fallait, la bonne approche, ce côté familial qui m'a convaincu de signer avec cette structure. On commence bientôt le tournage d'une série qui raconte l'histoire de la LDA. Il s'agit d'une série de fiction pour la télévision, dans laquelle on va regrouper toutes ces histoires, ces disparitions qu'on a élucidées. J'aurai la chance de jouer dedans en tant que deuxième rôle.

 Que peut-on souhaiter à la Ligue des disparus anonymes ?
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