Shurik'n, c'est d'abord une voix. Cette voix reconnaissable entre 1000, caverneuse et claire, sincère et forte, pendant parfait à son alter ego Akhenaton au sein du groupe IAM depuis plus de 25 ans. Une légende comme il y en a peu dans le rap français.
Celui que tous appellent Shu depuis son dernier album solo, le deuxième seulement depuis le cultissime Où Je Vis, revient ici en équipe. A la production de quasi tous les titres de cet album, on retrouve un compagnon de route de la nébuleuse sudiste : Samm Coloquinte, figure du rap technique citée en référence par des Mcs comme Grems ou Sameer Ahmad, mais aussi beatmaker émérite et patron du QG marseillais Camouflage Studio.
Fidèle à son éthique samuraï, Shurik'n continue de pratiquer le rap comme un art martial, art façonné et maturé par des années d'exercice. Le flow est comme toujours précis, acéré, les textes ciselés, directs et fluides, parfois au service de thèmes qui restent hélas toujours actuels : le racisme (« Coupable »), l'actualité déprimante (« A grands pas ») , l'alcoolisme quand les enfants trinquent (« Où te mèneront tes pas ») , le temps qui passe (« Tic Toc »). Mais aussi et surtout, on retrouve des odes au rap et à l'écriture comme échappatoire, une manière de catalyser les énergies qui n'est pas sans évoquer les arts martiaux, encore et toujours. Le rap pour le rap, ludique et jubilatoire, n'est pas en reste, et Oncle Shu semble nous dire en filigrane qu'une fois de plus, c'est le chemin qui compte, la voie et non le but, l'art et la manière plus que la destination.
Coté sons, Samm délivre le dosage parfait entre tradition et modernité, faisant fi des querelles d'école entre tenants du boom bap canal historique et du trap dit « commercial ». On aura les deux, ou plutôt ni l'un ni l'autre, des beats efficaces aux accents électro, toutes basses dehors, succédant à des productions plus mélodiques basées sur les samples, le tout baigné d'ambiances nuageuses et cosy, servant parfaitement le propos du MC. Du sur mesure.
Trois générations de Mcs viennent prêter main-forte. Akhenaton est de la partie bien sûr, en mode punchline et en grande forme sur « Comme à chaque fois » (où il n'hésite pas à citer Sharknado, les connaisseurs apprécieront), cypher track où on retrouve également Samm au mic, qui prouve qu'il est aussi à l'aise derrière le micro qu'aux manettes. Autre génération, Demi Portion vient ensoleiller « Tic Toc » de son flow sweet et chantant, bouclant la boucle d'une école qui se fout des modes et qui ne connaît pas les querelles des anciens et des modernes. Une école qu'on verrait bien située en haut d'une colline quelque part en Chine, et où un maître en kimono nous accueillerait pour un entraînement intensif.
Et ce maître s'appellerait Shu.
"UN DE CES MORCEAUX", 1er EXTRAIT DE SON NOUVEL ALBUM SOLO PRÉVU POUR LA FIN D'ANNÉE 2016
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