Comment Marseille est revenue au premier plan du rap français ?

Retour sur les origines et les raisons du succès du rap Marseillais en 2017 !

En 2017, le rap français a rencontré de nombreux succès commerciaux et s’est imposé en tant que musique préférée des habitants de l’hexagone. Au-delà de ces réussites globales, une ville s’est particulièrement distinguée : Marseille. De Soprano à YL, en passant par L’Algerino, la scène Marseillaise propose un contenu musical diversifié mais en conservant un ADN propre à la cité Phocéenne. Ainsi, comment cette ville qui brillait à la fin des années 90 est revenue au premier plan, 15ans plus tard, focus et décryptage !

 

1) L’effet Jul

Il est impossible d’évoquer la scène Marseillaise sans parler de l’artiste qui fait pleuvoir les certifications en or et en platine. En effet, la deuxième ville de France a connu un avant et un après Jul, principalement sur l’aspect musical qui est l’élément principal de ce succès global. Jul a décomplexé la scène Marseillaise en proposant des sonorités musicales plus ouvertes, tout en n’hésitant pas à aller tâter des terrains inexpérimentés, notamment sur l’utilisation à outrance de l’autotune, et sur des instrumentales mélangeant plusieurs styles musicaux. En parallèle, de nombreux artistes Marseillais expliquent que Jul est un artiste à qui tout le monde peut s’identifier au sein de la ville, mais cela est également valable pour les rappeurs.

En effet, ces derniers n’ont pas hésité à emprunter la voie ouverte par Julien Marie (de son vrai nom). Contrairement à ce que l’on pourrait croire les artistes Marseillais savent également kicker, en atteste le premier projet de Naps « Ma ville et ma vie » (sorti en 2015) ou bien la plupart des sons d’Elams, ouverts musicalement mais n’hésitant pas à rapper de façon brutale sur des ambiances dansantes. Consciemment ou inconsciemment la recette Jul s’est répandue dans tout Marseille et quelques artistes l’ont reprise à leur sauce, en les mixant avec leurs propres univers.

Néanmoins, il faut préciser que Jul n’a pas seulement contaminé Marseille mais bel et bien toute la France entière. Précisons que le rappeur Marseillais a aussi influencé sur la sortie régulière de projets. En effet, la productivité des rappeurs a étrangement augmenté au moment où Jul sortait un projet tous les 6 mois (voire moins), l’initiateur de la surproductivité c’est lui.

 

 

2) Les strucures alternatives Marseillaises

 

Les artistes Marseillais se sont souvent plaints du manque d’infrastructure pour développer leur musique, comparé à Paris. Cependant, internet a permis de réduire ces différences mais surtout la cité Phocéenne s’est créée une véritable culture de l’indépendance. En effet, Jul a commencé avec le label indépendant « Liga One », avec d’autres artistes signés dessus tels que le Ghetto Phénomène, Soso Maness et Khalif Hardcore. Cependant, Jul était sur le devant de la scène avec son buzz surprenant et ses ventes qui l’étaient tout autant. Ainsi le rappeur sus-cité a choisi de rester en indépendant, afin de fructifier ses profits mais il faut savoir que Jul n’était pas fermé aux maisons de disque, ces dernières ne souhaitaient pas proposer un contrat qui lui convenait. De ce fait, Musicast représentait une alternative toute trouvée, laissant à Jul, son contrat 70/30.

A l’heure actuelle, d’autres structures sont bien implantées à Marseille, comment évoquer cette ville sans parler du studio B-Vice de La Savine, dont les clés sont entre les mains du beatmaker, réalisateur : L’Adjoint (crédit : Sofiane, MRC, Soprano, et tous les artistes marseillais). Ce studio a une particularité puisque L’Adjoint traite tous ses collaborateurs de la même façon, du jeune amateur des quartiers nords aux rappeurs signés en maison de disque, personne n’est refusé. C’est pour cela que tous les artistes Marseillais sont passés à un moment ou à un autre dans ce studio afin de prendre des conseils et de travailler avec celui qui porte très bien son nom. En effet, L’Adjoint ne se définit pas comme un simple ingénieur du son, il veut collaborer au maximum avec un artiste, c’est-à-dire qu’il peut aussi bien aider à écrire des toplines, à retravailler certaines mélodies ou bien aller en cabine pour poser un yaourt afin de montrer comment exploiter au mieux l’instrumentale. Son nom d’artiste est tout sauf volé et tous les artistes marseillais sont unanimes pour louer le travail de L’Adjoint.

Plus loin, dans Marseille, une autre structure fait parler d’elle, à savoir Beat Bounce. Plus connu pour ses réalisations audiovisuelles, la société de production Marseille a notamment clippé pour : Lacrim, Soprano, Gradur, Naps, Jul, mais également pour des artistes de la chanson française tel Benjamin Biolay. Mais à côté de cela, le studio d’enregistrement accueille de nombreux artistes de la cité Phocéenne, d’Elams à Dadinho, en passant par Naps. Si cette structure est tant reconnue, cela a commencé avec l’explosion de Lacrim, qui a commencé au moment de sa collaboration avec BB. Ayant eu un rôle dans le développement d’un artiste Parisien, en 2013, la structure a pu avoir un crédit important pour se développer et s’implanter au moment idéal dans le renouvellement de la scène Marseillaise. Depuis la structure se fait discrète auprès du grand public mais occupe un rôle majeur dans l’industrie Marseillaise, et permet de jouer le rôle d’intermédiaire entre les rappeurs locaux et les majors parisiennes.

3) 2017 : Année du succès de la cité Phocéenne !

 

Comme à leurs habitudes, Soprano et Jul ont cartonné au niveau des ventes, un degré moindre Alonzo a également connu un succès relatif mais un petit nouveau s’est fait sa place au sein des gros vendeurs Marseillais, en personne de Naps (13ème Art Music). En effet l’artiste originaire du quartier Air-Bel a décroché un disque de platine pour son projet « Pochon Bleu », dans lequel Naps n’hésite pas à rapper voire chantonner sur certaines productions dansantes, tout en conservant un ADN rue. Beaucoup apprécient le comparer à Jul mais Naps a un univers bien différent, en parlant de réalités touchant une cible plus âgée. En parallèle, les timbres vocaux sont différents, la voix de Naps est bien plus grave et rocailleuse amenant un aspect plus violent que dans les morceaux de Jul.

En parallèle de Naps, son label 13ème art Records prépare aussi le terrain pour le prochain projet d’YL qui devrait sortir en début d’année 2018, après avoir montré que l’univers musical Marseillais n’était pas uniquement musical et dansant. Concernant 13ème art, ce label compte également dans ses rangs Graya et Dika. Deux artistes qui ont leur style propre à eux mais qui n’ont pas nécessairement une portée grand public dans l’immédiat, en tout cas ce label devrait continuer à faire parler de lui avec ses multiples artistes.

Ouvrons tout de même une parenthèse sur YL, qui n’a pas sorti de projet cette année mais constitue un succès avec sa signature chez Def Jam France. Certes, ce n’est pas une finalité pour la carrière d’un artiste mais cela démontre que les maisons de disque Parisiennes jettent un œil sur ce qui se fait à Marseille. En tout cas, beaucoup de personnes qualifiaient le rap marseillais comme dansant, YL a démontré que le rap traditionnel de la cité phocéenne était encore présent. Le rappeur originaire du quartier d’Air-Bel a une plume très imagée et réussit à donner une seconde énergie aux productions grâce à sa voix rocailleuse. En tout cas, YL tape le million de vues (minimum) sur chaque son sorti récemment, de quoi présager un avenir radieux pour l’artiste de 21 ans, qui est très bien entouré entre L’Adjoint à la prod et Bylka Prod au management.

Concernant l’année 2017, un autre succès a rencontré un certain succès mais pas en France, il s’agit de L’Algerino. Ce dernier a réalisé la prouesse de dépasser les 200 millions de vues autour d’un seul clip. Cet artiste marseillais a peu de couverture médiatique en France, ce qui semble logique étant donné que la plupart de son public se trouve au maghreb, en plus de faire énormément de dates dans cette partie du continent africain. Ses sons pourraient ne plus être adaptés pour le public français mais L’Algerino a décidé d’adopter une stratégie marketing qui semble être bien plus intéressante pour sa personne. Le côté musical de L’Algerino laisse également entrevoir un message d’optimisme pour le rap Marseillais, en laissant supposer que leur univers musical peut toucher d’autres pays.

 Le quartier de la Marine Bleue a également connu l’ascension d’un rappeur : Elams. Ce rappeur représente le paradoxe Marseillais ; aussi bien capable de taper des millions de vues qu’être perçu comme un semi inconnu à Paris. Elams est également connu pour les nombreux faits divers dans lesquels, il est plus ou moins lié, mais sa musique est surtout un succès tant au niveau de la fidélisation de son public, de son nombre et de vues et de son implantation à Marseille. En effet le public phocéen peut être très dur, vis-à-vis de ses artistes et réussir à s’implanter dans la cité Phocéenne est un avantage car le soutien local est important et qu’un artiste a déjà des chiffres solides pour permettre de s’implanter dans le reste de la France. Quant à Elams, sa productivité est également à louer, et le fait que Warner soit en train d’obtenir des résultats plus que convaincants avec ses différents artistes, cela laisse présager du positif pour la suite de la carrière d’Elams et qui sait l’obtention d’un disque d’or… En tout cas, le rappeur Marseillais prend son temps pour préparer son projet après en avoir sorti 4 en un peu plus d’un an, annonciateur d’un projet marquant de la scène Marseillaise ? A voir…

 

4) A suivre en 2018 !

La scène Marseillaise a donc connu beaucoup de succès divers et variés mais cela ne devrait être que le début car d’autres talents arrivent, tapis dans l’ombre.

Notamment Soso Maness, cet artiste originaire du quartier fond vert a un potentiel musical très large, n’hésitant pas à proposer du contenu totalement décomplexé au niveau musical et visuel. A l’instar de la plupart des artistes marseillais, Soso Maness raconte sa vie de rue sur des instrus très dansantes mais il réussit à toucher et à vendre du rêve systématiquement, permettant de se transposer facilement dans son univers. Très proche de L’Algerino, Soso bosse actuellement avec L’Adjoint, on ne sait pas encore si un projet verra le jour mais nous serions curieux de voir ce résultat final et l’accueil qu’il recevra.

Vous avez sûrement entendu parler du Ghetto Phénomène, difficile de passer à côte mais un rappeur du groupe se démarque, à savoir Veazy. Cette personnalité atypique se démarque du reste de la France mais a un surtout un univers torturé et unique en France, tout en conservant ce côté décomplexé propre à Marseille. Son passage dans « Rentre dans le Cercle » lui a éventuellement permis d’avoir des idées de carrière solo, lui qui avait déjà commencer à sortir quelques sons solos fin 2014 – début 2015, puis après plus rien n’est sorti sauf avec le GP. A voir donc si un projet solo peut voir le jour mais lui n’a jamais fermé la parenthèse solo.

La scène Marseillaise peut être qualifiée de dansante, mais en parallèle, des kickeurs continuent d’exercer dans cette ville, comme Dibson. Ce dernier conserve un adn qui a été propre à la scène marseillaise pendant de nombreuses années et le perpétue en découpant chaque production sous sa main. Dibson a notamment collaboré avec YL sur le titre « Mercé », récemment, et a signé avec le label Parisien Juston Records, ce qui montre que des structures parisiennes suivent les faits et gestes du rap marseillais. Dibson pourrait avoir l’image d’un rappeur très hardcore mais ses prestations sur « Tia la Boco » ou « Comme d’hab » montrent qu’il est capable de s'aventurer sur divers horizons musicaux, tout en conservant son style.

En parlant d’hardcore, Kofs est également sur le devant de la scène Marseillaise puisqu’il est en train de taper ses millions de vues avec ses visuels sombres, à l’image de ses morceaux. Kofs est probablement le prochain artiste Marseillais à faire parler de lui, au vu de son rôle d’acteur dans le film « Chouf » qui pourrait faciliter l'attrait les médias parisiens. Une fois de plus le rap et le cinéma sont liés à Marseille, et cela depuis le film Taxi.

Evoquons également les quartiers centres de Marseille puisque Miaouss du groupe « Numbers » devrait également s’aventurer dans la parenthèse en solo. Par la force des choses, Miaouss devrait proposer un projet solo dans le plus typique style développé par Numbers jusqu’à présent, à voir si de la matière sortira rapidement ou non mais une escapade solo pourrait être fortement intéressante au vu de leur voix spécifique et atypique.

Finissons avec un rappeur originaire de La Castellane, à savoir Dadinho. Ce jeune artiste des quartiers nords commence également à atteindre le million de vues avec son débit de rap plutôt lent mais incisif. Dadinho met toutes les chances de son côté puisqu’il travaille avec L’Adjoint, mais a également bossé avec DJ Kore, pour son prochain projet. Ces deux paramètres prometteurs laissent présager de nombreuses promesses pour son futur projet.  

 

L’année 2017 a été un succès pour Marseille, de par le renouvellement de la scène, sans pour autant que les têtes d’affiche ne perdent leur statut. Ce développement laisse de plus en plus penser à une américanisation du rap français avec un style musical et des codes propres à chaque ville.