De l'ultra codé à la totale liberté... les pochettes nous interpellent !

Les codes évoluent, les pochettes aussi...

"Les pochettes sont devenues des outils de com'. Dans la stratégie de promo web, il y a toujours le moment précis où on dévoile la pochette. Comme tu dévoiles le titre, une photo, etc. Il faut alimenter la campagne promo."

Xavier Paufichet (Redbull France)

Maintenant, on ne tease plus seulement avec des extraits. D'abord, on dévoile des visuels sur les réseaux sociaux.

La cover d'un projet, c'est en effet la première impression que l'on en a. Comme l'affiche d'un film, dès le premier coup d’œil, on sait si on a envie d'aller plus loin et de découvrir ce qu'il y a derrière ou non.

Pas trop en dévoiler mais attirer l'attention, montrer son univers, attiser la curiosité, avoir une identité visuelle forte et cohérente avec son image ... la recette n'est pas toujours facile à trouver.

Si l’on sait que la pochette est un des ingrédients les plus importants pour qu’un projet de rap fonctionne aujourd’hui, cela n’a pas toujours été le cas. Mais attention, ne vous y méprenez pas, la cover a toujours eu une certaine place dans le monde du Hip Hop. En effet, il s'agissait, à une certaine époque, du seul élément visuel que l'auditeur avait d'un projet.

L'arrivée du mouvement Hip Hop en France dans les années 90 a été marquée par de nombreux albums dont les covers sont restées gravées dans nos mémoires. Les premiers que l'on a vu, c'étaient ceux-là, et ils n'ont pas vieilli d'un poil !

 

Les classiques

 

  

> NTM, 1998                               > Fonky Family, 1998

 

> Lunatic, 2000                               > IAM, 1997

 

À ce moment-là, on pouvait aussi retrouver certains thèmes qui revenaient de manière récurrente...

 

Le portrait d'enfant

> Joey Star, "Egomaiac", 2011 

Pour la petite histoire, beaucoup pensent qu'il s'agit d'un portrait de Joey Star quand il était petit... pas du tout ! C'est en fait une photo d'un de ses fils !

 

 

> Notorious Big, "Ready to die", 1994 

Ironie ou plutôt tristesse de la situation, le rappeur est mort assassiné trois années après la sortie de ce projet.

 

 

> Zoxea, "À mon tour d'briller", 1999

Très belle pochette, on voit l'ambition du mc (également membre des Sages Poètes de la rue) déjà très présente depuis sa tendre enfance.

 

 

> De La Soul, "Stakes is High", 1996 

On peut aussi lire cette ambition dans les yeux de ce petit garçon qui a bien l'air de savoir ce qu'il veut déjà enfant.

 

> Nas, Illmatic, 1994

Il s'agit d'une photo de Nas quand il était enfant avec la cité du Queens, à New York, où il habitait alors, imprimée en fond... La pochette parle d'elle-même.

 

> La Caution "Peine de Maures/Arc-en-ciel pour Daltoniens", 2005

Ambiance photo de famille, shooting des deux frères.

 

> Common, "One Day It'll Make Sense", 1997

On reste dans une ambiance familiale. Sur son troisième album, l'artiste pose avec sa mère à l'aéroport de Montego Bay, en Jamaïque.

 

> Jill Scott, "Beautifully Human", 2004

La diva soul décide de dévoiler une photo d'elle petite. Une initiative qui en a séduit plus d'un.

 

> Lil Wayne "Tha Carter III", 2008

Larmes tatouées, costume et bague au doigt sur le rappeur version petit modèle... L'artiste frappe fort avec cette pochette qui fera beaucoup parler d'elle.

 

> Rah Digga "Classic", 2010

Le poing levé, ce pilier du Flipmode Squad (le collectif de Busta Rhymes) annonce d'emblée la couleur.

 

 

> Drake, "Nothing was the same", 2013

Et non, ce n’est pas Blue Ivy (la fille de Beyoncé) en face de Drake, c’est bel et bien une mini version de lui, aussi étonnant que cela puisse paraitre.

 

> Brav , "Error 404", 2016

Il est le total contre-exemple de cette série de clichés puisque c'est son père qu'il décide de mettre en vedette sur cet album.

 

 

Les Boys Band (pas toujours une bonne idée)

 

> Mister You, "Dans ma grotte", 2011

Pose de manequin, torse nu, tour eiffel en arrière plan... un combo pour le moins atypique !

 

> La fouine, "Team bs", 2014

La Fouine a également chanté au sein d'un groupe, la Team BS avec Sultan, Fababy et Sindy, les membres de son label "Banlieue sale".

 

Les symboles et les emblèmes

La première que l'on citera, parce qu'elle est tout simplement légendaire et que c'est certainement une des pochettes les plus forte qui existe :

> C'est Ideal J, "Le Combat continue", 1998 

On connait tous la plume salée et engagée de Kery James, à l'image de cette image où l'on voit une main noire serrer un drapeau français entre ses doigts ... On dénonce l'exploitation des "minorités". L'image est très parlante.

 

 

> Despo Rutti, "Les Sirènes du charbon", 2006

La première version avait été censurée, et pour cause : la photo qui avait été prise sur le vif laissait apercevoir les visages des policiers présents ce jour où ils expulsaient une famille. Après avoir payé une très grosse amende à l'état, le rappeur revient avec une nouvelle version de la jaquette, bien moins forte mais tout de même à la hauteur.

        

 

 

> Booba, "Ouest Side", 2006

La cover est réalisée par Armen (photographe et réalisateur célèbre) : le duc se place à sa fenêtre, il semble surveiller tout comme Malcom X le faisait, arme à la main, juste derrière son rideau.

 

Années 2000 : Une nouvelle ère pour le visuel... casser les codes

 

> Le phénomène PNL

Qu’on n’aime ou pas PNL, qui n’a pas en tête au moins une image à l’évocation de leur nom ?

Ce qui est sûr, c'est que le groupe ramène avec lui une nouvelle vague très forte, celle de l'image...

 

  

> PNL, "Dans la légende", 2016 

 

Ces dernières années ont vu se dresser devant elles, on le sait, un nouveau tournant dans le monde du rap. Aujourd'hui, le contenant est devenu presqu'aussi important que le contenu. Beaucoup plus soignées et travaillées, les pochettes d'albums reflètent très bien les atmosphères proposées par les rappeurs actuellement. Instrus plus festives, plus légères, l'ambiance est bien moins sombre et bien plus variée qu'avant. On sent qu'il y a beaucoup d'influences provenant de l'univers de l'éléctro et de la pop.

Ainsi, on voit un nouveau code couleur se dégager. Fini le rouge, le noir et le doré. Place aux couleurs vives et aux couleurs pastelles (à l'image de ce que l'on appelle le "Cloud Rap"). Beaucoup moins sombres et bien plus vifs, les visuels s'inspirent de toutes sortes de choses différentes.

On ne se cantonne plus au codes "street" du Hip Hop, l'esprit est plus ouvert et l'imagination bien plus débordante. Ainsi, on peut retrouver toutes sortes de partis pris différents.

 

> Street & spontané

    

> Lacrim, "Né pour mourir", 2013          > Sofiane, "Bandit Saleté", 2017

 

 

Une explosion de couleurs

> Les couleurs vives et travaillées :

  

> Jul, "L'ovni", 2016                       > Niska, "Commando", 2017

  

> SCH, "Deo Favente", 2017            > Chance the rapper, "Acidrap", 2013 

 

> Gradur, "L'homme au bob", 2015       > Black M, "Les yeux plus gros que le monde", 2014

 

Du côté des américians

  

> A$AP Rocky,  "At.Long.Last.A$AP", 2015  > Wu Tang Clan, "The Saga Continues", 2017

 

Une pochette qui a beaucoup marqué ces derniers temps, c'est celle de Sadek ! Le rapeur fait preuve d'humour et affiche même un sourir, une grande première dans l'histoire des pochettes rap !

> Sadek, "Vulgaire violent et ravi d'être là", 2017

 

Ce que l'on pourrait reprocher à certains projets, c'est que le concept et la mise en scène passent tellement avant tout que parfois on peut s'éloigner du but initial : illustrer l'univers de l'artiste.

> Maître Gims, univers sombre mais instru dansantes et très gaies

   

 

Vald quant à lui illustre très bien son délire avec "Agartha" une pochette totalement à son image. Il se met en scène sur un vitrail d'église dans la peau d'un apôtre ou plutôt d'un sauveur. Il ne respecte plus aucun code, le second degré et le non-respect des règles priment sur tout.

 

 

Selon le célèbre photographe Fifou qui a réalisée 95% des covers de rap français (avec Koria), l'avenir serait de ne plus faire apparaître l'artiste sur la pochette. Il est vrai qu'une vraie œuvre d'art doit rester intemporelle ...

Un défi qu'il a pu relever avec l'album "Noir Désir" de Youssoupha qui a franchi le seuil des 100.000 ventes.

 

 

Nekfeu s'est lui aussi déjà prêté au jeu avec son album "Feu" qui a été très percutant.

"Regarde la pochette du dernier Nekfeu. On ne le voit pas dessus. Pourtant, c'est un petit blanc, il fait beau gosse, y a cinq ou six ans, on m'aurait dit direct de le mettre sur la pochette. Il y a des prises de risque, c'est bien." Fifou

 

 

"Si la pochette en tant qu'objet physique a tendance à se perdre,
la création en elle-même existe toujours. L'artwork et ses codes n'ont pas disparu avec la dématérialisation de la musique. Il a juste changé, s'est adapté, quitte à revenir parfois au centre des problématiques des musiciens. Après tout, on vit de plus en plus dans un monde d'images."

Xavier Paufichet

 

Même à l'heure du streaming et des nouvelles technologies, la jaquette reste un des éléments phare de la communication d'un artiste. On attend donc la suite pour une explosion de couleurs et on espère de folles idées nouvelles que l'on ne soupçonne même pas.